Le souvenir des girafes impériales au Moyen Âge et à la Renaissance - Normandie Université Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2022

Le souvenir des girafes impériales au Moyen Âge et à la Renaissance

Résumé

La girafe était relativement bien connue dans l’Antiquité gréco-romaine depuis la période hellénistique ; à l’époque impériale elle est régulièrement amenée à Rome (vue dans les Venationes ou dans des triomphes), comme plusieurs témoignages l’attestent jusqu’au IIIe siècle. Elle a été ensuite amenée plusieurs fois à Constantinople entre les iiie et vie siècles, puis à l’époque médiévale, cette fois-ci dans un contexte de cadeau diplomatique. En Occident, le souvenir de cet animal s’est perdu, d’autant que la brève notice de Pline l’Ancien, reprise par Solin et Isidore de Séville, ne mentionne ni sa taille, ni son long cou, et décrit la camelopardalis comme une sorte de puzzle visuel, mi-chameau, mi-panthère. Mais par le témoignage de Pline, elle est associée à l’époque de Jules César, donc au dictateur lui-même. Mais quand quelques girafes arrivent en Europe au XIIIe siècle comme cadeaux diplomatiques offerts par les sultans d’Égypte à plusieurs souverains chrétiens (Alphonse X d’Espagne, Frédéric II Hohenstaufen, Manfred de Sicile), les auteurs de ce temps sont incapables de l’identifier à l’animal connu dans la Rome antique. À la Renaissance, sont redécouverts, copiés, et traduits plusieurs ouvrages grecs (ignorés des médiévaux latins) qui décrivent avec qualité la girafe. Ainsi, quand une girafe arrive à Florence en 1487 (offerte à Laurent le Magnifique par le sultan d’Égypte), les humanistes italiens peuvent reconnaître dans les textes anciens ce qu’ils observent de visu : ainsi la camelopardalis redevient la girafe. On apprend que cet animal a appartenu à des souverains prestigieux : on peut ainsi faire de Laurent un nouveau César, ou l’égal des empereurs romains, car il serait l’unique prince en Europe (selon la propagande florentine, nous verrons que ce n’est pas tout à fait vrai) à posséder un tel animal. Les éditeurs et commentateurs des textes classiques annotent souvent le passage de Pline sur la girafe pour souligner l’exceptionnelle présence de cet animal à Florence. Les Médicis, jusqu’au milieu du XVIe siècle, vont savamment entretenir le souvenir de cette girafe dans les textes, mais aussi dans les images, pour mettre en valeur la richesse de leurs ménageries. Les médecins naturalistes du XVIe siècle (Gesner, Aldrovandi) trouvent dans les textes grecs des informations essentielles pour enrichir leurs chapitres sur la girafe, que ce soit chez les géographes (ex : Strabon, Pausanias), les historiens (ex : Diodore, Dion Cassius, l’Histoire auguste) ou les écrivains et poètes (Héliodore, Oppien). Cette compilation de sources anciennes, complémentaires des récits des voyageurs érudits de ce siècle (Belon, Thevet, Pierre Gilles), va servir de base de connaissance fondamentale sur la girafe jusqu’au XVIIIe siècle. Ainsi le sentiment de rareté et d’exotisme de la girafe en Occident (qui n’est plus importée en Europe entre la fin du xve siècle et le début du xixe siècle) est renforcé par son statut d’espèce royale par excellence, confirmé par les sources antiques et médiévales, mais également par les témoignages des voyageurs médiévaux et pré-modernes. Ceux-ci ont rapporté des descriptions de girafes captives dans les ménageries du sultan du Caire ou de Constantinople : il s’agit encore de possessions royales. Si les sources gréco-latines antiques n’ont pas souvent exprimé la possession formelle d’une girafe par tel ou tel empereur romain, nul doute que l’image d’une girafe, cadeau diplomatique, associée au pouvoir royal ou impérial, s’est solidement implanté en Occident à partir de la Renaissance.

Domaines

Histoire
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03898195 , version 1 (14-12-2022)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03898195 , version 1

Citer

Thierry Buquet. Le souvenir des girafes impériales au Moyen Âge et à la Renaissance. Cadeaux diplomatiques et exotica. 5e rencontre de la série Ex Oriente luxuria, Schneider, Pierre; Trinquier, Jean, Dec 2022, Arras, France. ⟨hal-03898195⟩
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