Savoirs, observations et expériences sur l’animal exotique captif
Résumé
Un article de Michel Pastoureau (2008) a posé les bases d’une réflexion sur le rapport entre les ménageries princières et les savoirs zoologiques, entre observation d’espèces rares, vérification de légendes anciennes, discours érudits et éventuelles expérimentations, en s’appuyant principalement sur les cas de l’éléphant et de l’ours.
L’objet de la communication sera d’explorer les quelques hypothèses émises dans cette étude, en les confrontant à des exemples tirés de textes arabes (Eisenstein 1995) et à des témoignages de voyageurs occidentaux visitant les ménageries orientales, notamment au Caire (Buquet 2013a). En plus de l’éléphant, nous étudierons les cas du lion (très présent dans les ménageries médiévales) ou de l’autruche. Pour ces trois espèces, certaines légendes, transmises ou non par les Bestiaires, ont pu être infirmées par l’observation, voire l’expérience : les éléphants n’auraient pas de genoux ; les lionceaux naîtraient « sans vie » et seraient « ressuscités » au bout de 3 jours ; l’autruche serait capable de manger du métal (Buquet 2013b). D’autres exemples ponctuels seront également évoqués (ex. : pseudo-hybridité de la girafe dans le monde arabe, etc.)
Il s’agira d’évaluer plus généralement le rôle des ménageries dans l’élaboration des discours savants sur l’animal exotique, notamment dans les encyclopédies. Une première enquête, menée sur le Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré, avait conclu que les savoirs nouveaux sur les animaux étrangers y étaient très rares (Buquet 2022). Albert le Grand, de son côté, mentionne, dans son De animalibus, plusieurs « expériences » et observations sur des animaux captifs et semble avoir été marqué par les animaux de cour (Giese 2022). Quoi qu’il en soit, ceux qui observent des animaux rares en captivité sont partagés entre deux pôles opposés : vouloir justifier les croyances anciennes d’une part, contredire et expliquer les erreurs des autorités d’autre part.
Références
Eisenstein, Herbert. 1995. « Some Accounts of Zoological Experiments in Classical Arabic Literature », In Proceedings of the 14th Congress of the Union européenne des arabisants et Islamisants (Budapest, 29th August – 3rd September 1988), éd. A. Fodor, Budapest, Eötvös Loránd Univ. (The Arabist, Budapest Studies in Arabic 15‑16), vol. 2, p. 113‑120.
Buquet, Thierry, 2013a. « Animalia Extranea et Stupenda Ad Videndum. Describing and Naming Exotic Beasts in Cairo Sultan’s Menagerie ». In Animals and the Otherness in the Middle Ages. Perspectives across Disciplines, éd. M. Walker Vadillo, F. de Asís García García, et M.V. Chico Picaza, Oxford, Archeopress (British Archaeological Reports. International Series 2500), p. 25‑34.
Buquet, Thierry, 2013b. « Fact Checking: Can Ostriches Digest Iron? », Medieval Animal Data Network. http://mad.hypotheses.org/131
Buquet, Thierry, 2022. « La faune exotique dans le Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré. Quels nouveaux apports ? », In Speculum Arabicum. Intersecting Perspectives on Medieval Encyclopaedism. Proceedings of the International Conference at Louvain-la-Neuve and Cambron-Casteau, 22-24 May 2017, éd G. de Callataÿ, M. Cavagna et B. Van den Abeele, Louvain-la-Neuve, Institut d’études médiévales (Textes, Études, Congrès 33), p. 201‑220.
Giese, Martina, 2022. Albertus Magnus und die höfische Tierwelt, Münster, Aschendorff, 2022 (Lectio Albertina) [en préparation].
Pastoureau, Michel, 2008. « Les ménageries princières, du pouvoir au savoir (xiie-xvie siècle) », In I saperi nelle corti. Knowledge at the Courts, éd. A. Paravicini = Micrologus 18, p. 3‑30.