Portrait(s) de la girafe de Laurent le Magnifique, en textes et en images - Normandie Université Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2022

Portrait(s) de la girafe de Laurent le Magnifique, en textes et en images

Résumé

La girafe arrivée en 1487 à la ville de Florence, dont la tradition dit qu’elle fut offerte à Laurent de Médicis, a frappé les imaginations des hommes de ce temps. Cet animal fut aussitôt décrit dans les chroniques contemporaines, étudié par les humanistes, dessiné et peint par les artistes. Les textes nous racontent les circonstances de son arrivée et son exhibition à Florence. On sait où elle fut logée, combien de temps elle vécut à Florence, quand et comment elle mourut. Les sources donnent quelques détails sur le caractère de l’animal, dont on vante la douceur ; on sait également que c’était un mâle, selon les observations de Sigismondo Tizio et d’Ange Politien. Très tôt, des dessins de la girafe circulèrent en Italie, et même en Europe. Représentée captive, elle est souvent accompagnée sur les images d’un gardien qui la guide avec un licol. Ce motif nouveau de la « girafe à la longe » aura une grande postérité dans la peinture italienne, notamment dans les scènes de la vie du Christ, particulièrement les Adorations des Mages. Il est souvent difficile, dans ces images, de faire la part entre convention (utilisation d’un nouveau modèle iconographique) et naturalisme (faire le portrait d’un spécimen célèbre). Nous essaierons alors, à partir des premières représentations de cette girafe, de discerner une volonté de faire un portrait individuel. La présence du gardien sur les images n’est d’ailleurs, à l’origine, pas une invention : les chroniques florentines nous précisent que l’animal avait son gardien attitré, qu’il était « turcoman », et qu’il menait l’animal de sa main. Nous pourrons également observer des démarches plus objectives, visant à représenter une espèce exotique, pas revu en Italie depuis le XIIIe siècle, et dont seuls quelques voyageurs et pèlerins avaient pu décrire et observer dans les ménageries du sultan d’Égypte au Caire. Nous évoquerons rapidement ces quelques témoignages écrits, qui n’ont pas eu, pour la majorité d’entre eux, de postérité ; nous montrerons de même quelques images naturalistes évoquant des girafes présentes en Europe au XIIIe siècle, qui sont restées ignorées jusqu’à notre époque. Faute de modèle vivant ou dessiné d’après nature, faute également de bonne description textuelle disponible, les images médiévales représentant la camelopardalis sont approximatives, voire fantaisistes : on ignorait notamment que cet animal avait un long cou. Nous comparerons alors ces images à celles faites d’après nature au Moyen Âge et à celles, plus nombreuses, de la Renaissance. De manière plus générale, il faut considérer la girafe de Laurent de Médicis comme un des tout premiers cas de témoignage iconographique direct pour un animal exotique, attesté également par les textes, avec une riche tradition iconographique postérieure. Plus de vingt ans avant la fortune des images du rhinocéros du roi du Portugal gravé par Dürer ou de l’éléphant offert au pape Léon X et dessiné par Raphaël, la girafe florentine a été la première à laisser d’importantes traces dans l’iconographie. Très vite, la girafe a été symboliquement associée à la gloire de Laurent le Magnifique. Les humanistes ont mené des enquêtes érudites dans les sources gréco-latines pour identifier cet animal à la camelopardalis dans Anciens, et ont remarqué qu’elle fut offerte à Jules César, puis à l’empereur Frédéric II Hohenstaufen au XIIIe siècle. On compare alors la démarche altière et pleine de noblesse de l’animal à la majesté de ses fameux propriétaires. Les panégyristes de Laurent utiliseront ce portrait « moral » de la girafe pour faire du prince florentin l’égal des plus prestigieux souverains. Au XVIe siècle, les peintres appliqueront en image le statut « impérial » de cet animal pour mettre en valeur la puissance des Médicis : notamment Andrea Del Sarto (Tribut à César, Poggio a Caiano) et Andrea Vasari (Laurent recevant les ambassadeurs, plafond peint du Palazzo Vecchio), dont nous exposerons les programmes iconographiques conçus par des humanistes férus d’histoire ancienne et soucieux de rappeler le faste de la cour de Laurent le Magnifique. Pour conclure ce portrait de la girafe florentine, notre exposé s’efforcera de tirer quelques enseignements sur le statut de la représentation d’un animal exotique en Occident. Qu’en est-il du naturalisme ou du « réalisme » ? À partir de quels indices peut-on dire qu’on a affaire à une image « ressemblante », sinon d’un spécimen, du moins d’une espèce ? Enfin, nous essaierons de donner une réponse à la question de savoir si l’on dispose d’un portrait véritable de la girafe florentine, alors que la profusion d’images entre 1487 et le milieu du XVIe siècle propose une grande variété, suggérant une multiplicité de modèles, chaque présence de la girafe dans une plus vaste composition fonctionnant comme un indice, un rappel d’un événement passé qui marqua son époque, un signe de la puissance florentine et de la gloire des Médicis.

Domaines

Histoire
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03672008 , version 1 (19-05-2022)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03672008 , version 1

Citer

Thierry Buquet. Portrait(s) de la girafe de Laurent le Magnifique, en textes et en images. Animal et portrait à la Renaissance. De bestiae dignitate, Fémelat, Armelle; Beuzelin, Cécile; Musée de la chasse et de la nature; Musée national de la Renaissance, château d’Écouen, May 2022, Paris, Écouen, France. ⟨hal-03672008⟩
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