, acceptent comme les loups acceptent l'assassinat des moutons ; enfin, ce que j'ai été obligé d'appeler leurs remords, consiste en un simple désordre organique

L. , Lorsque mes deux personnages, Thérèse et Laurent, ont été créés, je me suis plu à me poser et à résoudre certains problèmes : ainsi, j'ai tenté d'expliquer l'union, étrange qui peut se produire entre deux tempéraments différents, j'ai montré les troubles profonds d'une nature sanguine au contact d'une nature nerveuse. Qu'on lise le roman avec soin, on verra que chaque chapitre est l'étude d'un cas curieux de physiologie. En un mot, je n'ai eu qu'un désir : étant donné un homme puissant et une femme inassouvie, chercher en eux la bête, ne voir même que la bête, les jeter dans un drame violent, et noter scrupuleusement les sensations et les actes de ces êtres

, Je me suis trouvé dans le cas de ces peintres qui copient des nudités, sans qu'un seul désir les effleure, et qui restent profondément surpris lorsqu'un critique se déclare scandalisé par les chairs vivantes de leur oeuvre. Tant que j'ai écrit Thérèse Raquin, j'ai oublié le monde, je me suis perdu dans la copie exacte et minutieuse de la vie, me donnant tout entier à l'analyse du mécanisme humain, et je vous assure que les amours cruelles de Thérèse et de Laurent n'avaient pour moi rien d'immoral, rien qui puisse pousser aux passions mauvaises. L'humanité des modèles disparaissait comme elle disparaît aux yeux de l'artiste qui a une femme nue vautrée devant lui, et qui songe uniquement à mettre cette femme sur sa toile dans la vérité de ses formes et de ses colorations, Avouez qu'il est dur, quand on sort d'un pareil travail, tout entier encore aux graves jouissances de la recherche du vrai, d'entendre des gens vous accuser d'avoir eu pour unique but la peinture de tableaux obscènes

, Je ne sais si mon roman est immoral, j'avoue que je ne me suis jamais inquiété de le rendre plus ou moins chaste. Ce que je sais, c'est que je n'ai pas songé un instant à y mettre les saletés qu'y découvrent les gens moraux, c'est que j'en ai écrit chaque scène, même les plus fiévreuses, avec la seule curiosité du savant ; c'est que je défie mes juges d'y trouver une page réellement licencieuse, faite pour les lecteurs de ces petits livres roses, de ces indiscrétions de boudoir et de coulisses, qui se tirent à dix mille exemplaires et que recommandent chaudement les journaux

Z. E. , Thérèse Raquin, 1867.

, La fascination des psychologues pour "la science

, ? Les psychologues sont scientifiques comme les sauvages évangélisés sont chrétiens. (Georges POLITZER, pp.1903-1942

, Le monde de la quantité étant le monde propre des mathématiciens, ils s'y meuvent avec une aisance naturelle, et ils sont seuls à ne pas transformer leur rigueur en parade. L'emploi que les physiciens font des mathématiques se ressent déjà quelquefois du fait qu'elles ne représentent pour eux qu'un habit de location ; la pure envergure des mathématiciens peut leur rester inaccessible et ils sont souvent bornés. Mais tout cela n'est rien en comparaison de ce qui se passe à l'étage au-dessous. Les physiologistes donnent déjà terriblement dans la magie des chiffres

. Cette, Or, à chaque étape, le niveau de l'esprit scientifique subit une chute, et quand, à la fin, les mathématiques arrivent aux psychologues, c'est « un peu de cuivre et de verre » que ceux-ci prennent « pour de l'or et du diamant ». Et il en est de même pour la méthode expérimentale. C'est le physicien qui en a la vision sérieuse; lui seul ne joue pas avec elle, c'est entre ses mains uniquement qu'elle reste toujours une technique rationnelle sans jamais dégénérer en magie. Le physiologiste a déjà une forte tendance à la magie : chez lui la méthode expérimentale dégénère souvent en pompe expérimentale. Mais que dire du psychologue ? Chez lui tout n'est que pompe. En dépit de toutes ses protestations contre la philosophie, il ne voit la science qu'à travers les lieux communs qu'elle lui a appris à son sujet. Et comme on lui a dit que la science est faite de patience, que c'est sur des recherches de détail que se sont édifiées les grandes hypothèses, il croit que la patience est une méthode en elle-même, et qu'il suffit de chercher des détails aveuglément pour attirer le Messie synthétique, Quant aux psychologues, c'est de troisième main qu'ils reçoivent les mathématiques : ils les reçoi vent des physiologistes, qui les ont reçues des physi ciens, qui, eux seuls, les tiennent des mathématiciens mêmes

, Il faut qu'on comprenne : les psychologues sont scientifiques comme les sauvages évangélisés sont chrétiens, p.4, 1928.

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