C. Une-saison, synonyme de privation de l'expérience, sera en mesure de la reformuler par le langage, et de restituer le sentiment de désarroi qui animait le poète dans l'instant de la perception -l'esthétique apollinienne est seulement consécutive, et non concomittante, à l'ivresse dyonisiaque. Pour Emerson, l'expression du poète est donc « organique », car les images fixées par la « rétine » ont été appropriées par l'organisme, jusque dans les veines du poète et ne ressurgissent qu'au terme de ce processus d'assimilation, métamorphosées par le daimon en objets d'expression poétique dans un geste mimétique de celui de la camera obscura. (EL 458) Emerson fait ainsi du poète un homme représentatif, et souscrit dans le même temps à la tradition romantique qui érige le poète en « dieu libérateur ». Le poète est un prophète, un législateur, qui instruit les hommes de son expérience et les libère de l'enclave de la pensée traditionnelle, But still my spring does not begin. / Shall I the wait the autumn wind, »)

, Prise dans l'enclave de l'intellect, la pensée se meut circulairement sur elle-même et ne peut faire l'expérience de l'altérité, subsumée et ramenée à l'identique par la normalité logique. Emerson diagnostique pourtant une sensibilité passive des hommes aux symboles, qui atteste des possibilités de libération de la pensée

. Le-poète and . Dieu-libérateur, qui veille à articuler deux voix qui se répondent sourdement -celle du poète et celle de l'essayiste -, conscient du danger qui guette l'absorption de nouvelles pensées dans l'enclave du champ réflexif, car l'homme n'est jamais plus près des dieux que lorsqu'il « ne se sert pas de son intellect seul, mais de son intellect enivré de nectar, » (EL 459-60) ce breuvage des dieux qui confère l'immortalité. Sans doute est-il possible de lire dans ce geste emersonien une anticipation de la « pensée nomade » nieztschéenne, que Deleuze commente en des termes qui pourraient bien s'appliquer à Emerson : « [Si] Nieztsche n'appartient pas à la philosophie, c'est peut-être qu'il est le premier à concevoir un autre type de discours comme contre-philosophie. C'est-à-dire un discours avant tout nomade, prophète et législateur, il instruit et libère la pensée enclavée de ses contemporains, pp.361-362

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