Compte rendu de la soutenance de thèse de Mme Diane Rego (18 nov. 2018) : « Les élites au village : étude de la distinction sociale par les marqueurs archéologiques de part et d’autre de la Manche, entre le XIe et le XVe siècle » - Normandie Université Accéder directement au contenu
Article De Blog Scientifique Les Échos du Craham Année : 2018

Compte rendu de la soutenance de thèse de Mme Diane Rego (18 nov. 2018) : « Les élites au village : étude de la distinction sociale par les marqueurs archéologiques de part et d’autre de la Manche, entre le XIe et le XVe siècle »

Résumé

Le 17 octobre 2018, Mme Diane Rego a soutenu sa thèse en archéologie médiévale sous la direction conjointe de Claire Hanusse (maître de conférences HDR, université de Caen Normandie) et Christopher Gerrard (professeur à l’université de Durham). Outre ses deux directeurs de thèse, le jury était composé de Laurent Schneider (directeur de recherche HDR au CNRS, président du jury), Richard Jones (professeur associé à l’université de Leicester, rapporteur pour l’université de Caen Normandie), Luc Bourgeois (professeur à l’université de Caen Normandie, rapporteur pour l’université de Durham) et David Petts (professeur associé à l’université de Durham). Diane Rego remercie en premier lieu tous les membres du jury et ses directeurs de thèse pour leur accompagnement et leur évaluation de son travail. Puis, elle retrace la genèse de sa thèse : la lecture d’un article de Sally Smith sur les communautés rurales et la perception sociale des découvertes archéologiques ainsi que la fouille menée sur le site de Trainecourt (Calvados), avec la mise au jour d’une maison distinctive et aristocratique, lui ont permis de s’intéresser au thème des élites au village. Sa thèse se compose de quatre parties (objectifs, méthodologie, résultats et acquis) et son objectif visait à élaborer des interprétations sociales des vestiges archéologiques. Elle s’est tout particulièrement attachée à l’étude des élites rurales et du vocabulaire employé pour les définir tant socialement qu’économiquement au travers des vestiges archéologiques. De chaque côté de la Manche, cette élite comprend aussi bien de gros propriétaires fonciers ou des professionnels spécifiques que des intermédiaires entre le seigneur et les villageois ou des familles anciennement riches et puissantes, mais déclassées. L’identité sociale de cette élite a pu être définie selon plusieurs critères : la distinction ou la séparation du groupe social (démarcation spatiale, enclos, barrières, etc.) ; la codification des relations sociales (places dans les banquets, exclusivité de certains vêtements, etc.) ; la singularité ou la volonté de rapprochement du groupe social supérieur via l’imitation de ses codes sociaux. À travers les formes spécifiques de consommation décelables par l’archéologie (performance, hospitalité, générosité), il est alors possible d’établir une analyse sociale. Pour appuyer ses hypothèses, Diane Rego a procédé selon une approche comparatiste à partir d’études de sites français et anglais et selon le cadre théorique de la Social archaeology, école de pensée qui réfléchit sur la manière de penser et d’agir des hommes à une époque donnée au travers des objets et des restes qu’ils laissent, selon l’expérience vécue par les individus dans leur environnement quotidien. Les interactions avec la temporalité, la spatialité, et la matérialité lui ont permis d’identifier les relations sociales, les messages sociaux spécifiques à un contexte. À partir de ces concepts, Diane Rego a défini différents marqueurs du statut élitaire selon les critères topographiques des éléments constitutifs du village (position en hauteur, éléments de paysages associés), morphologiques (nature des matériaux de construction) ou liés à la culture matérielle. Diane Rego évoque ensuite les difficultés rencontrées et les limites de l’approche comparatiste suivie, notamment pour la traduction et la non-équivalence de certains termes ou pour l’acceptation de concepts parfois inconciliable dans les deux langues. Elle mentionne également quelques divergences dans l’examen des concepts archéologiques tels qu’ils sont appréhendés dans les deux pays. Elle note également des différences dans les études menées en post-fouille avec des études de mobilier exhaustives en Angleterre et trop rarement publiées en France. Elle présente ensuite le corpus des sites élitaires et non élitaires retenus pour sa thèse, fondé sur 72 sites du IXe au XVIIe siècle (49 en France, 23 en Angleterre). Parmi eux, 47 sont des sites élitaires (manoirs, maisons fortes, mottes, châteaux, etc.) et 32 sont non élitaires (villages, hameaux, etc.). À partir de quelques exemples concrets (sites de Grosley-sur-Risle dans l’Eure ou de Caldecote dans le Cambridgeshire), Diane Rego expose sa démarche avec, pour les sites non-élitaires, une comparaison interne s’appuyant sur une analyse topographique, morphologique et matérielle des habitats qui lui a permis de construire une stratification socio-économique hypothétique de chaque ensemble. Pour les sites déjà perçus comme élitaires, Diane Rego a pu définir un répertoire de 34 marqueurs différenciant le statut socio-économiquement supérieur des élites (spatialité, implantation significative, démarcation dans le paysage, consommation et articulation des espaces, bâtiments associés, caractéristiques des résidences, mais aussi style de vie, diversité, qualité, catégories d’objets spécifiques, alimentation, etc.). Parmi les sites déterminés comme non-élitaires, le référentiel qu’elle a défini lui a donné la possibilité d’identifier les points communs et, en combinant les critères, de proposer une interprétation renouvelée de certains sites pouvant appartenir à une élite villageoise. Cette démarche l’a aidé à distinguer sept types d’habitats élitaires ruraux. En outre, d’après les résultats obtenus, on peut constater que la paysannerie est loin d’être un groupe social uniforme et homogène. L’étude multicritère menée a également permis de mieux percevoir la vie quotidienne dans le monde rural. Elle souligne aussi les bénéfices d’un cadre théorique pour avancer des interprétations sociales en s’appuyant sur une enquête archéologique. Après cette présentation, Claire Hanusse, directrice de la thèse pour l’université de Caen Normandie, prend la parole. Elle dit le plaisir qu’elle a de voir aboutir le travail entamé en 2012 et souligne les bienfaits de la collaboration avec l’université de Durham. Elle remercie Chris Gerrard de son soutien scientifique et humain, qui a permis à Diane Rego de bénéficier de plusieurs séjours à Durham (2 fois 3 mois) et lui a assuré des conditions de travail remarquables. Elle précise également que Diane défend en réalité ses travaux devant deux jurys avec une double annonce des résultats et retrace ensuite son parcours universitaire. Elle loue une étudiante attentive, investie, toujours exigeante qui « n’hésitait pas à poser des questions pour être convaincue ». Dès la licence, Diane Rego a montré son intérêt pour identifier, par l’archéologie, des groupes de personnes tout en dépassant le simple cadre matériel des objets et en s’attachant à leur dimension sociale. La problématique de thèse de Diane Rego s’inscrit ainsi complètement dans les thématiques de recherche du Craham. Après une 2e année de Master en Erasmus à Southampton, elle a bénéficié en 2012 d’une allocation de recherche pour mener à bien sa thèse, avec une co-tutelle depuis 2013 entre l’université de Durham et celle de Caen Normandie. Chargée de cours à l’UFR Histoire, puis ATER depuis deux ans, elle assure ses cours avec efficacité et sérieux, avec une ténacité et une capacité à défendre, sans entêtement mais avec clairvoyance, ses convictions. Son travail est unanimement apprécié de ses collègues et des étudiants. Si Claire Hanusse regrette que Diane ait « retenu son texte au fil des années », le travail final propose une relecture de certains sites à partir des données archéologiques traitées d’une manière égale en qualité à celle de l’histoire et s’appuie sur une riche documentation bilingue. Diane a cerné les concepts, l’historiographie, les remises en contexte, posé les enjeux et les cadres conceptuels… Si le cœur de la thèse (3e partie) lui paraît un peu trop volumineux et pourrait témoigner, selon elle, d’un déséquilibre de la recherche menée, toutefois, elle précise que la faiblesse de la documentation disponible et l’hétérogénéité des documents ne peuvent être reprochées à Diane Rego, le manque de travaux sur le mobilier issu des fouilles étant criant, notamment sur les sites du 2nd Moyen Âge. Elle souligne également la pertinence de certaines discussions et de la stratification proposée. Diane Rego a construit une démonstration argumentée et Claire Hanusse affirme porter la responsabilité des quelques défauts et réserves que le travail de Diane présente. Elle conclut son propos par l’annonce de l’obtention pour Diane Rego d’un travail de post-doctorat sur la publication des fouilles de Trainecourt. Enfin, elle remercie Diane Rego et lui adresse toutes ses félicitations. Avant le passage de la parole à son 2e directeur de thèse, Diane Rego tient à remercier Pierre Bauduin et Véronique Gazeau qui l’ont incitée à aller en Angleterre dans le cadre des séjours Erasmus. Christopher Gerrard remercie l’assistance et les membres du jury. Il dit sa fierté et sa satisfaction de voir l’accomplissement de cette thèse qui représente un symbole de collaboration entre les universités de Caen et de Durham. Diane Rego a passé sa 2e année de thèse à Durham ce qui l’a amenée à mieux connaître les réflexions menées en archéologie en Angleterre. Il souligne l’intérêt de Diane pour d’autres disciplines et de sa volonté de contribuer à l’évolution de l’archéologie médiévale. Il décrit une étudiante très stimulante et intéressante. Les élites n’avaient jamais été considérées de cette manière auparavant et il souligne l’impressionnant corpus pris en compte. La terminologie de son étude représentait également un véritable challenge, de même que l’évolution conséquente de l’archéologie médiévale pendant les 40 dernières années. Il souligne également le volume impressionnant du corpus étudié avec des différences de traitement du matériel archéologique des deux côtés de la Manche. Il signale tout le travail et le temps nécessaires pour ingérer les documents et ces différences. La thèse de Diane Rego s’est avérée constituer une véritable étude de « big data » c’est-à-dire associant analyse et standardisation de données anciennes pour faire émerger de nouvelles approches et revisiter les interprétations antérieures. Le sujet de sa thèse était ambitieux et elle a dû batailler entre les attentes de ses deux directeurs. Il souligne tout l’intérêt de la collaboration établie par l’intermédiaire de cette thèse entre les deux équipes de Caen et Durham et encourage Diane à continuer la collaboration et le travail de partage sur des projets futurs. Pour finir, il félicite chaleureusement Diane et la remercie du réel plaisir qu’il a eu à travailler avec elle et de sa fierté de la voir achever sa thèse aussi brillamment. Richard Jones, rapporteur pour l’université de Caen Normandie, prend ensuite la parole. Il félicite Diane Rego pour sa thèse, sur la manière dont elle a traité son sujet et pour l’ampleur du travail accompli qu’il appuie fortement. Il a de nombreuses questions sur les divers sujets développés, notamment sur l’utilisation de la social archaeology et ses concepts par exemple, mais remarque que dans cette thèse, l’association des concepts et des restes archéologiques est tout à fait pertinente et s’avère très positive ; Diane a su organiser pleinement ses idées et sa démonstration. S’il émet quelques réserves sur les critères retenus, certains marqueurs lui semblant, peut-être, insuffisamment adaptés à l’archéologie sociale, il insiste néanmoins sur l’énorme travail réalisé. Il s’interroge également sur les raisons pour lesquelles les élites sont si ardues à identifier ; pourquoi les restes laissés sont-ils si ténus ? Est-ce uniquement lié à des problèmes de méthodes ? Étaient-ils si peu nombreux qu’il n’y a pas plus de traces ? Quelles sont les dynamiques de population liées à leur présence ou non dans un village ? Qu’est ce qui est le plus important dans une communauté villageoise ? Les inclure dans la population ou les séparer des autres ? Pour la culture matérielle, quels changements peut-on détecter ou non au cours du temps ? Les arguments développés lui font penser que ces élites villageoises n’avaient peut-être pas tout à fait trouvé leur identité. Beaucoup de questions restent en suspens, mais Richard Jones réitère son appréciation sur la qualité de cette « très bonne thèse », pas seulement pour la théorie, mais aussi pour la manière de traiter les données et de les analyser pour servir positivement l’archéologie sociale. Richard Jones termine son propos sur les projets futurs de Diane dans la continuité de ses travaux et la félicite encore pour son travail. Diane Rego remercie Richard Jones pour la gentillesse de ses propos et son appréciation de sa thèse et répond aux diverses questions abordées. Elle précise que son approche via les concepts de l’archéologie sociale était essentielle et lui a permis d’appliquer un cadre d’analyse jusqu’à présent peu développé en archéologie française pour traiter le matériel, non seulement comme un fait archéologique, mais davantage comme un concept de son expression sociale. La faiblesse de l’échantillon auquel ont pu s’appliquer les critères qu’elle a définis lui a également paru frustrante. Il lui est difficile de savoir si la faiblesse de l’échantillon retenu reflète totalement la réalité. Elle espère combler certaines lacunes par la fouille de nouveaux sites élitaires. Elle évoque ensuite la différence entre la culture matérielle et les processus d’identification des actions des populations anciennes. Selon la candidate, cette question mériterait d’être travaillée avec des historiens des mentalités et des stratégies réactionnelles développées par les populations médiévales. Les élites utilisent de nombreux indicateurs sociaux que l’archéologie peine à retrouver ou à identifier. Après une pause d’un quart d’heure, Luc Bourgeois, rapporteur pour l’université de Durham, prend à son tour la parole. Lui également tient à souligner le caractère symbolique de cette soutenance en ces périodes de tension entre les deux pays. La thèse présentée par Diane Rego est d’une écriture précise et agréable à lire. Il existe bien quelques défauts d’aspect formels, un manque d’homogénéité des illustrations, mais il souligne l’ampleur du travail et le courage certain dont a su faire preuve Diane Rego face aux difficultés : une longue enquête menée de part et d’autre de la Manche, des difficultés interprétatives dans la reprise des sites anciens, des traditions scientifiques différentes auxquelles elle a su faire face. Outre quelques interrogations sur l’identité des groupes du monde rural, il regrette certains raccourcis sur les habitudes de consommation et d’usages de vie des populations élitaires au village. Le logis du chapelain, le presbytère ne font-ils pas partie également des habitats de l’élite ? Le corpus analysé par Diane Rego se situe entre une vaste zone du nord-ouest de la France, l’Angleterre et le pays de Galles. Quelques pages introductives auraient été bienvenues pour expliquer la limite française choisie à environ 100 km le long des rives de la Manche, tandis que les sites choisis en Angleterre se répartissent sur un périmètre nettement plus large : ces choix, en conséquence, ont privé Diane Rego d’une documentation qui aurait peut-être été plus large ou plus éclairante pour sa recherche. Luc Bourgeois revient également sur les choix pour valider ou écarter certains sites ; il regrette quelques manques d’explications et certains choix. Une meilleure hiérarchisation et l’utilisation de sites mieux documentés et connus lui auraient semblé plus pertinentes pour mener à bien une véritable analyse sociologique et comparative. Luc Bourgeois souligne que les réflexions sont très intéressantes et bien menées et que l’analyse de l’espace se base sur des travaux récents ; il est plus perplexe sur l’approche du mobilier, peut-être victime d’un manque général d’intérêt de l’archéologie pour la question du mobilier en France notamment. Le rapporteur souhaite également questionner la candidate sur les marqueurs sélectionnés dans son approche comparative. Il se pose également la question suivante : les marqueurs archéologiques peuvent-ils être les mêmes tout au long du temps considéré ? N’existe-t-il pas d’évolution dans la société ? Quelle est la pertinence de l’usage des critères établis toujours de la même façon ? La notion même d’objet remarquable est problématique pour une optique uniquement qualitative : ce sont plutôt des assemblages d’objets dont on dispose peu en général en archéologie. Les élites utilisent souvent les mêmes objets que les autres ; mais en quelle quantité ? ou alors n’existe-t-il pas un détournement de l’usage premier ? Selon Luc Bourgeois, les conclusions, parfois un peu trop générales (par exemple, pour la chasse, les techniques sont différentes selon les règles sociales et les niveaux dans la hiérarchie sociale), l’approche pourtant très fine développée par Diane Rego nécessiteraient peut-être plus de développement avec un corpus plus réduit s’appuyant sur des sites très documentés. Pour le reste, la thèse de Diane Rego aborde un cadre de réflexion très stimulant et original, surtout par rapport aux travaux français. La documentation était très difficile à traiter, mais il précise aussitôt que comme l’a dit Chris Gerrard, la recherche n’est jamais achevée dans le domaine de l’archéologie. En conclusion, il prévoit de nombreux échanges et de riches discussions à venir avec Diane Rego, dans un contexte différent de celui d’une soutenance et s’en réjouit et la félicite pour sa thèse. Diane Rego répond aux divers points abordés et remercie Luc Bourgeois de son apport indéniable pour améliorer certains points comme l’étude du mobilier. Elle précise ensuite qu’elle n’a pas voulu trop se disperser en n’abordant pas le clergé séculier par crainte de dépasser le temps imparti à la thèse. Sur les raisons et le choix de l’aire géographique, il s’est avéré compliqué de s’arrêter à certaines régions. Diane Rego s’est ainsi un peu intéressée au sud de la Bretagne, mais le nombre de sites trop important à considérer l’a effrayée. Certains sites retenus dans le cadre de son étude sont certes mal documentés, mais ils lui ont semblé importants à prendre en compte pour connaître le contexte des sites secondaire par rapport aux sites primaires. Même si elle a tenu compte de l’aspect quantitatif et pas seulement qualitatif du mobilier dans son analyse, Diane Rego explique avoir conscience que certains choix terminologiques ou des explications complémentaires seraient effectivement à proposer pour ce dernier. Elle précise que les marqueurs ne sont pas les mêmes tout au long de la période considérée : les 34 critères retenus ont été considérés selon leurs périodes d’apparition et de disparition pour établir les comparaisons entre sites élitaires et non élitaires. La gestion des déchets lui paraît constituer un véritable sujet de recherche en soi, mais semble difficile. Son attention s’est focalisée sur l’habitat et les traces ne sont pas toujours identifiées clairement en archéologie (fosses à déchets, fumier) ; il faudrait également pouvoir les replacer dans une temporalité (apports journaliers ou uniques ?). À la suite de cet échange, David Petts, examinateur pour l’université de Durham, prend la parole. Il remercie chaleureusement Diane de son travail et dit le grand plaisir qu’il a eu à lire sa thèse. Il apprécie ses engagements et particulièrement sa formulation, ainsi que sa manière très novatrice de considérer à la fois les limites établies entre les groupes sociaux et la perception qu’il est possible d’en avoir de part et d’autre de la Manche. Il insiste sur l’apport important de son travail à la connaissance des sources françaises existantes et à des fins de comparaison ; les publications sont différentes entre les deux pays, de même que les regards sur les sources ; mais sur certains points les problèmes sont communs. Il a été surpris de la richesse du vocabulaire et s’interroge sur les raisons de la moindre prise en compte des aspects sociologiques dans l’archéologie française. Il salue le volume des données, très important, apprécie le regard neuf porté sur certains sites et la méthodologie appliquée notamment dans le traitement des données qui met en évidence les habitats élitaires. Lui aussi remarque l’absence dans le corpus de certains sites anglais qui, mieux renseignés, auraient sans doute permis de préciser certains éléments de l’analyse. David Petts termine son intervention en déclarant qu’une publication en anglais du travail de Diane Rego serait pleine d’intérêt pour ses compatriotes, peu enclins à lire les travaux en langue étrangère. Diane remercie David Petts pour ses commentaires d’appréciation et la gentillesse de ses remarques. Elle prend toutes les idées proposées en compte, notamment sur la notion de frontière entre groupes sociaux, et les apprécie pour enrichir ses recherches à venir. Elle revient sur la question du choix des sites écartés en France comme en Angleterre, initialement trop semblables à ceux qu’elle avait retenus. Elle pense pouvoir désormais les tester pour éprouver et faire évoluer son modèle méthodologique. Dernier intervenant, Laurent Schneider, président du jury et rapporteur pour l’université de Caen Normandie, dit être heureux de voir se concrétiser les résultats de cette thèse ; il ne souhaite pas revenir sur le descriptif du travail déjà largement présenté par les autres membres du jury, mais insiste sur le volume de synthèse (1059 pages et 559 illustrations, 101 annexes). Il préconise à Diane Rego de condenser son travail préalablement à la publication, nécessaire, de sa thèse, prochaine étape de ses travaux. Il souligne le travail et l’écriture soignée et alerte. Les illustrations sont certes de qualité inégale, mais sont tributaires de la qualité primaire de la documentation. Il souligne ensuite l’importante recherche menée par la doctorante pour « reconnaître une élite à partir de vestiges archéologiques partiels » et combien le travail réalisé par Diane Rego est une « vraie thèse » qui ouvre des voies sur des recherches à venir. Son approche comparatiste est originale sur plusieurs points, même si les trois parties de sa thèse sont inégalement réparties. Appuyée par de nombreuses lectures, la première partie comprend un discours élaboré et un état des lieux lucide sur le manque de cadre théorique de l’archéologie française actuelle avec l’ambition claire de faire converger deux approches différentes. Laurent Schneider remarque toutefois que l’archéologie préventive n’est pas seulement descriptive et cite l’exemple de l’archéologie spatiale en plein essor depuis vingt ans et les rapprochements interdisciplinaires existants pour hiérarchiser les sites sur des espaces ou à des échelles plus larges. Le deuxième chapitre est consacré à la mise en œuvre d’un appareil conceptuel archéologique. Diane Rego n’a pas seulement considéré les objets, mais a établi une grille d’analyse de spatialité et de temporalité ; il lui suggère de l’intégrer dans une analyse de sites plus large. Il loue sa démarche et le pragmatisme du traitement des données, sa volonté de produire des données non seulement à l’aide de méthodes empiriques, mais avec une approche plus théorique. Il souligne la personnalité volontaire de la doctorante et sa volonté de participer à de nouvelles théories et de renouveler les recherches en archéologie médiévale. Il remarque les difficultés à caractériser parfois les élites paysannes et s’il souligne l’approche rigoureuse, il regrette certains choix de vocabulaire trop rapides parfois (par exemple catégorie/strate ou marqueurs/indicateurs). Il a été sensible à la nuance et à l’approche de la doctorante au phénomène de déclassement des catégories sociales même s’il est difficile d’en avoir de réelles preuves archéologiques. S’il signale la qualité de la bibliographie attestant de larges lectures tant françaises qu’étrangères, quelques références plus hexagonales lui paraissent manquer, comme les travaux menés par de Benoît Cursente sur l’habitat en Bourgogne médiévale, et souligne quelques difficultés à conceptualiser la notion de la maisonnée. Il revient sur la détection des sept sites d’élites villageoises finalement définis parmi les 72 sites étudiés, ce qui, selon lui, donne toute la mesure des ambitions théoriques face à la réalité de la documentation archéologique. Il salue l’analyse progressive et astucieuse menée à partir des données néanmoins disponibles et exploitables. En termes d’archéologie sociale, il faudrait une proportion nettement plus importante mais l’archéologie permet-elle de détecter ces données ? Si l’absence de modélisation de la démarche conceptuelle lui semble regrettable dans la thèse, ce manque a été comblé lors de la présentation orale. Enfin, parmi les critères développés, ceux qui sont liés à l’équipement et la conservation lui semblent peu pris en compte (par exemple sites avec absence ou présence de granges, silos) mais il subodore que cela est davantage lié à la difficulté de les identifier en archéologie. Laurent Schneider conclut son intervention en louant le travail remarquable par la qualité des compétences linguistiques de la doctorante, mais souligne aussi son esprit de synthèse et sa capacité à faire une véritable démonstration et à mener une vraie recherche. Diane remercie Laurent Schneider de ses remarques et convient qu’elle améliorera le travail effectué pour les illustrations et, pour la publication, prévoira la présentation des données dans un volume à part. Elle reconnaît ne pas s’être sans doute assez intéressée aux régions du sud de la France et qu’elle n’a sans doute pas assez nuancé son propos. Elle revient sur le terme de « maisonnée » qui lui avait paru être la meilleure équivalence du terme « household » tel qu’il est compris en Angleterre et qui désigne un habitat et ses occupants, tandis que le terme « propriété » est plus problématique. Elle termine enfin sur le chiffre des sept sites retenus dans son étude qui lui semble correspondre à une réalité de la documentation française ; cependant, l’intérêt premier de sa thèse n’était pas d’établir une fréquence comptable des sites élitaires, mais de montrer la faisabilité d’une analyse sociale des données archéologiques et leur existence. Elle conclut que son analyse s’installe dans la multiplication et la diversité des cas restant à analyser et lui offre des pistes futures à explorer. Le public se retire alors pour permettre la délibération des deux comités. Après une dizaine de minutes d’attente, le public est invité à rejoindre la salle. Laurent Schneider annonce qu’après avoir lu, entendu et interrogé Diane Rego, elle est déclarée Docteure en Histoire et Archéologie des universités de Caen Normandie,et de Durham, et, au nom de l’ensemble des membres du jury, la félicite chaleureusement.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02446492 , version 1 (20-01-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02446492 , version 1

Citer

Cécile Chapelain de Seréville-Niel. Compte rendu de la soutenance de thèse de Mme Diane Rego (18 nov. 2018) : « Les élites au village : étude de la distinction sociale par les marqueurs archéologiques de part et d’autre de la Manche, entre le XIe et le XVe siècle ». 2018. ⟨hal-02446492⟩
174 Consultations
0 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More