Mobiliser par les sens pour se comporter en équipe. Massages, messages et passages par le vestiaire d’avant match au rugby.
Abstract
Element of folklore which gives rugby some of its flavour, object of curiosity for the medias and more generally for all those that are not accepted in it, before the match lockers' room is a Mecca for Rugby. This contribution describes what
is at stake inside those walls and shows how, through the mobilization of senses,
collective preparation allows teaming up. We can see how the preparation time has
moved from a silent moment to a collective sharing time of listening to the same
music, or how each player is captured by and becomes one with the group during the
camphor oil massage. Touching one's partner, rubbing on the same smell enables the
player to connect with the group and with the expectations of the task to come : the
symbolic charge of this esthetic transposition finds its energy in the mobilization of
the senses on which it is grounded. The warming up is an expression of the values
and goals of the group, trough gesture and words: it is about feeling together in order
to better be together as one. All of the before the game activities is but a ritualised
mediation, which, through the senses, adjusts and frames experiences, regulates
emotions through focusing and introduces the player to the game's specific esthetics.
Compulsory moment of expression, coded time and place, the lockers' room offers
thus also an opportunity to question the effects of such a management shaped by our
senses and which makes of the team both a political system and a galaxy of emotions.
Elément de folklore qui donne au rugby une partie de sa saveur, objet de
curiosité pour les médias, et plus généralement pour tous ceux qui en sont exclus, le
vestiaire d’avant-match constitue un haut-lieu du rugby. Cette contribution décrit ce
qui se joue en ce lieu et en ce moment, et montre comment la préparation collective
permet, par la mobilisation des sens, de faire équipe. On voit comment la préparation, qui hier se faisait en silence, passe aujourd’hui par une phase d’écoute collective de musique, comment le massage à l’huile camphrée mobilise chaque joueur en
profondeur et lui permet de « faire corps » avec le groupe. Toucher le partenaire,
s’oindre d’une même odeur permet de s’imprégner du collectif et des exigences de la
tâche : la charge symbolique de cette conversion esthétique trouve sa force dans la
mobilisation des sens sur laquelle elle se fonde. L’échauffement exprime, en gestes
et en paroles, les objectifs et les valeurs du groupe : il s’agit de sentir ensemble pour
mieux se sentir ensemble. L’ensemble de l’avant-match se présente finalement
comme une médiation ritualisée qui par les sens ajuste et cadre les expériences,
régule les affects en focalisant les attentions, et introduit à l’esthétique propre du jeu,
tel qu’il se donne à vivre pour le pratiquant. Moment d’expression obligatoire, manifestation « réglée par l’étiquette », le vestiaire constitue du même coup une opportunité pour questionner les implications d’un tel management par les sens, qui fait de
l’équipe à la fois un système politique et une constellation affective.