Skins, de la série britannique à la série américaine : la reprise de la figure du jeune musulman
Abstract
Souvent décrite comme un divertissement sulfureux parce qu’elle est en partie consacrée
aux frasques et soirées mouvementées d’adolescents au lycée, la série britannique Skins de
Jamie Brittain et Bryan Elsley (E4, 2007-2013) se trouve aussi très ancrée
sociologiquement dans la ville contemporaine de Bristol et dans les mœurs qui
caractérisent ses personnages. Si la série propose donc une représentation des modes de vie
de certains jeunes au Royaume-Uni dans la première décennie du XXIe
siècle, elle interroge
aussi le choix des individus qui composent le groupe d’amis par les créateurs de ce
programme de fiction télévisée. Ainsi, dans un groupe majoritairement blanc issu de la
classe moyenne, on trouve également une jeune fille d’ascendance afro-caribéenne et un
jeune homme d’ascendance indo-pakistanaise. Tous deux incarnent visiblement les deux
communautés issues de l’immigration de la deuxième moitié du XXe
siècle au Royaume-Uni,
dont l’une est l’objet d’une attention et d’une surveillance plus spécifique depuis les
attentats du 11 septembre 2001 à New York et du 7 juillet 2005 à Londres. C’est pourquoi
j’ai choisi de m’intéresser plus particulièrement au personnage d’Anwar Kharral, pour
interroger la manière dont la Saison 1 met en scène son appartenance religieuse en la
confrontant à ce qui semble être des questions morales et intimes plus que des questions
explicitement politiques. La reprise/transposition de cette figure britannique de jeune
musulman dans la version américaine de la Saison 1 (MTV, 2011) permet de montrer que
d’autres choix de caractérisation du personnage d’Abbud Siddiki ont été retenus par le
même Bryan Elsley, qui tendent à minimiser les vertus de l’appartenance à une famille
musulmane mises en avant à la fin de la saison 1 de la série britannique pour, au contraire,
tirer le personnage vers une figure de bouc émissaire facile, ce que la série américaine met
en scène avec un humour assez grinçant.