, Cette fiction comble le besoin de domination, ou de violence, du joueur et possède de ce fait une valeur cathartique

, Dans l'articulation enfance/jeu/violence que j'ai souhaité interroger à la lumière de textes littéraires emblématiques, il apparaît bien que pour l'enfant qui joue à la guerre, la séparation entre fiction ? le faire semblant ? et réalité ? la violence de l'Histoire? est souvent problématique. Pour dire les choses autrement

, La storia, nonobstant les précautions formelles de l'auteur et la mise en avant des faits historiques par une typographie spécifique et une scansion du calendrier, et en contradiction avec son titre, nie une certaine réalité de l'Histoire. Sa rigueur formelle, un peu artificielle, n'empêche ni la porosité dont je parlais, ni une certaine naïveté dès lors qu'on chausse des lunettes historiques ou idéologiques. Même le soldat allemand, le vainqueur potentiel au moment où commence le récit, en 1941, est présenté comme une victime à venir, ce que confirmera d'ailleurs le récit. C'est plus un enfant perdu, égaré dans Rome, à la recherche de chaleur humaine, un enfant qui aurait grandi trop vite avec son uniforme trop petit, qu'un homme sûr de sa force. Ce n'est pas l'Histoire, ou du moins pas directement, qui tue les personnages principaux, ce qui peut sembler étonnant dans un roman sur les horreurs de la guerre, C'est vrai pour les enfants et plus généralement pour ceux qu'Elsa Morante appelle les « felici pochi », c'est-à-dire les victimes innocentes de la violence institutionnalisée qu'est la guerre

. L'histoire-n', « Tutti i semi sono falliti eccettuato uno, che non so cosa sia, ma che probabilmente è un fiore e non un'erbaccia ») est détournée par Elsa Morante pour qui la « fleur » n'est pas l'Histoire mais l'enfance qui, comme Useppe, peut pousser malgré tout, même dans un environnement hostile : une fleurenfance à l'éclat fugace et fragile. Et on retrouve là un grand thème morantien : l'Histoire est perverse car c'est le produit de la folie des adultes. Le seul domaine préservé est celui de jeunesse à laquelle elle adresse son roman, Useppe n'est-il pas l'enfant naturel d'un ennemi théorique ? La citation finale de Gramsci, non nommé

L. Useppe, meurt innocent et préservé des outrages du temps et de l'Histoire. C'est en ce sens qu'il est, lui aussi, un personnage fabuleux, ce que confirment ses dons poétiques ou linguistiques, sa précocité, sa capacité de parler aux animaux, sa maladie, l'épilepsie

, Lorsqu'un enfant joue à la guerre dans le cas spécifique d'un contexte de guerre effective, le jeu devient moyen d'atténuer, de détourner et de canaliser la violence de la réalité. Ce détour passe par la fable (Pin), la renonciation à son statut d'enfant (Dino), ou par le mythe de l'enfant-dieu : Useppe. Dans tous les cas, il semble que l'enfant fictionnel confronté à la guerre, De la typologie de Caillois et des exemples littéraires proposés, il apparaît que la réalité de la guerre combattue par les adultes et l'invention de la guerre comme jeu de la part d'enfants obéissent à des ressorts psychologiques différents

, On pense à l'exergue de Menzogna e sortilegio (Torino, Einaudi, 1948) : « fuori del limbo non v'è eliso

A. Le-protagoniste-de-l'isola-di, , 1957.

, René Girard a exposée dans Mensonge romantique et vérité romanesque et qu'il a réactualisée et plus directement appliquée à l'interprétation de la violence dans Achever Clausewitz 59 où elle est plus directement appliquée à l

. «-toute-l'histoire--et-le-malheur-!--de-l, humanité commence en effet par la rivalité mimétique. A savoir : je veux ce que l'autre désire ; l'autre souhaite sûrement ce que je possède. Tout désir n'est que le désir d'un autre pris pour modèle. Lorsque cette rivalité mimétique entre deux personnes se met en place, elle a tendance à gagner rapidement tout le groupe, par contagion, et la violence se déchaîne. Cette violence, il faut bien la réguler. Elle se focalise alors sur un individu, p.60

L. Littéraire, pris dans sa logique d'imitation de la violence par le jeu, qui est une stratégie inconsciente d'évitement de la violence réelle, parvient à éviter cet engrenage

, Entretiens avec Benoît Chantre, 2008.

R. Girard, Télérama n°3025 du 2 janvier, 2008.