, Oblomov de Gontcharov (si l'on considère l'oblomovisme comme une incapacité à agir, une apathie, une inertie qui sont l'envers de la curiosité héroïque), le Michele aboulique de Moravia, le Roquentin sartrien, le Meursault de Camus (quel est d'ailleurs le lien précis entre L'étranger du titre et l'étrange ? Camus annonce-t-il l'« étrange étranger » de Prévert ?). Peut-on définir le « non-héros » d'une frange importante de la production littéraire contemporaine comme un personnage qui subit les événements tout en se trouvant dépourvu de toute possibilité d'émerveillement ou, dans sa version plus commune, de curiosité ? Serait-ce le manque de curiosité (de désir ?) qui l'oblige à rester enfermé en lui-même, dans un solipsisme parfois agressif -le cynisme, l'ironie à la Cioran ou à la Ceronetti ne sont finalement que des variations du nihilisme -mais toujours destructeur ? Dans ce cas, pour relier les deux facettes de la notion de curieux, l'incurieux de comportement devient un curieux (au sens d'original) aux yeux des autres. Mais peut-être que l'idée même d'associer le personnage romanesque au héros (ou à son contraire) est une erreur, ce que n'est pas loin de penser Michel Zéraffa: « Un personnage romanesque est souvent héroïque, il n'est jamais un héros (?) il obéit à la loi du changement » (entrée « personnage de roman, Au terme de ces premières réflexions à propos du personnage curieux, une dernière (pour l'instant) question se pose : comment intégrer l'archétype du personnage contemporain, l'homme banal, l'homme sans qualités (Musil), l'indifférent (Moravia) dans cette problématique consacrée à l'étrange et au curieux ? Où situer l' « anti-héros, p.638, 1997.

, ce qui risquerait d'étendre démesurément les catégories à prendre en considération, après qu'elles ont été définies et que les raisons de la prise en compte ou de la mise à l'écart ont été justifiées. Il ressort de ces premières considérations que nous proposons de ne retenir comme objet d'étude que les oeuvres, et les personnages afférents, qui s'inscrivent dans un projet réaliste, ce qui élimine, entre autres genres, la littérature fantastique. Car le curieux (texte, personnage, lieu) est d'abord l'élément qui, en dehors des signes les plus apparents de son étrangeté, permet aussi, et peut-être surtout, de questionner le centre dont il s'est détaché, l'ensemble des comportements dont il s'est émancipé, soit pour en rappeler la pertinence (la théorie de la parenthèse carnavalesque de l'époque ancienne), Dans tous les cas, il est nécessaire de bien borner le discours et d'en exclure, pour les raisons qui ont été ébauchées dans cette première approche