Encore des barricades ? Les États de Blois au théâtre (1810-1837) - Normandie Université Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2019

Encore des barricades ? Les États de Blois au théâtre (1810-1837)

Résumé

Porter les États de Blois au théâtre, la demande émise par Stendhal en 1823 a été entendue : la tragédie en cinq actes de Raynouard Les États de Blois (1810), les scènes historiques de Ludovic Vitet Les États de Blois ou la mort de M. de Guise en 1827, le drame lyrique en trois actes Guise ou les États de Blois (1837) sur un livret d’Henri de Saint Georges et d’Eugène de Planard témoignent de la vivacité d’un motif qui essaime plus largement encore au cours du XIXe siècle, au théâtre comme dans les fictions romanesques, sans porter toujours des titres aussi explicites. En effet, en ce « Blois » aujourd’hui bien oublié des plateaux de théâtre convergent trois modalités de récit révélateurs de l’usage du matériau historique. En premier lieu, la rivalité entre un roi sans héritier, Henri III, et un prétendant au trône, le Duc de Guise, offre l’une de ces multiples déclinaisons d’un schéma actanciel qui a fait ses preuves au théâtre : celui de la trahison qui débouche sur la scène saisissante de l’assassinat dans la chambre du château de Blois, modèle tragique dont le mélodrame puis le drame romantique ont, par les innombrables pièces portant sur une conspiration, ravivé les ressorts . À cela s’arrime, plus délicate, la question du contre-pouvoir et de l’émeute populaire : en second lieu « Blois » propose en effet un dispositif narratif qui, autour de 1830, tente de contourner la censure tout en débattant des pouvoirs des « États », convoqués par le roi en 1588 mais peu écoutés face aux intrigues nobiliaires. Ce choix valut à la tragédie de Raynouard en 1810 d’être interdite par Napoléon. À ces trames discursives qui mobilisent action fébrile et réflexion politique s’ajoute enfin le fait que pour l’historien les états généraux de Blois constituent un moment de rupture institutionnelle. Les députés de la Ligue exigeaient des subsides pour mener bataille contre les protestants, prérogative du roi : crise constitutionnelle, les États de Blois ont fait entendre les revendications de représentants du tiers état peu désireux de financer par leurs impôts les rivalités dynastiques des nobles. Il y a là un matériau d’une actualité sensible pour les spectateurs de l’Empire comme de la Restauration. En d’autres termes, « les états de Blois » constituent un motif qui autorise, soit d’en minorer les enjeux politiques et possiblement subversifs pour les assimiler à une rivalité entre deux hommes très différents, soit au contraire de les exacerber en crise du pouvoir dont l’assassinat de Guise ne serait qu’une des anecdotes, le Duc n’ayant très probablement pas eu grand intérêt aux questions économiques et financières soulevées par les députés auxquels le roi s’adresse « avec ironie » dans le drame lyrique. L’hypothèse ici est d’une part que les dramaturges ne privilégient pas toujours ouvertement l’un de ces trois paradigmes, mais que la complexité, l’épaisseur et parfois l’inintelligibilité des textes viennent de ce que tous ces possibles narratifs affleurent ensemble ; d’autre part, que les choix génériques opérés, tragédie, scène ou drame lyrique, convoquent des régimes d’appréhension de l’Histoire qui méritent attention : crise constitutionnelle fondamentale des temps modernes ou anecdote d’un énième crime des guerres de religion, la mort du Duc de Guise est-elle la rivalité entre cousins qui cache l’Histoire ou le désordre qui la révèle ? Un homme convoqué à un Conseil, assassiné dans une antichambre par des assaillants en surnombre, envoyés par le Roi : la représentation de ce fait historique engage des représentations de l’Ancien Régime de valeurs extrêmement différentes : ordre ancien, qui n’a jamais rompu avec ses racines féodales, prompt aux crimes de sang et à l’injustice ou bien ordre moderne où se construit, dans la contestation, un pouvoir fragile ? Il en résulte des questionnements sur son régime de visibilité, de légitimité et d’historicité que l’on se propose ici d’analyser plus avant.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02275713 , version 1 (01-09-2019)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02275713 , version 1

Citer

Florence Fix. Encore des barricades ? Les États de Blois au théâtre (1810-1837). Le Lys recomposé, Guillaume Cousin, 2018, Rouen, France. ⟨hal-02275713⟩
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