Le soldat travesti. Variations fin-de-siècle sur l’uniforme et la moustache
Résumé
Lorsque Maupassant raille dans la nouvelle L’homme-fille (1883), « la peste de notre pays », il faut comprendre l’arriviste qu’il dénonce particulièrement parmi les journalistes, les Parisiens, les députés, un personnage auquel deux ans plus tard Bel-Ami n’est pas étranger, un type inconsistant et changeant, sans scrupules ni convictions, mais qui « tuerait d’un coup d’épée, avec une indignation sincère, l’homme qui le suspecterait seulement de manquer de délicatesse . » Tout lui est conflit, divergence, polémique, mais quelle serait l’attitude de ce mondain de temps de paix en période de guerre ?
L’homme-fille est brave et lâche en même temps ; il a, plus que tout autre, le sentiment exalté de l’honneur, mais le sens de la simple honnêteté lui manque, et, les circonstances aidant, il aura des défaillances et commettra des infamies dont il ne se rendra nul compte ; car il obéit, sans discernement, aux oscillations de sa pensée toujours entraînée .
La guerre est affaire d’hommes, non de femmes ni d’hommes-filles et le corps d’armée semble dessiner les bornes irréfragables d’une virilité qui pourtant s’avère problématique, conditionnelle en ce temps pacifié de la Belle Époque que menace, non la guerre, mais la passivité, et avec ce mot la hantise d’une sexualité non procréative. La conscription, « universelle » depuis la loi de 1798, implique que tous les hommes peuvent être soldats mais la guerre conçue comme mise à l’épreuve de la virilité n’étant – provisoirement – plus, le port de l’uniforme fait seul la preuve fragile d’une identité sexuelle exposée alors comme construction artificielle.