Raconter ou lire une histoire ? Enquête sur les histoires insérées dans les narrations fictionnelles en prose des Scudéry
Abstract
The corpus studied was composed of four novels (1641-1663) and eight short stories (1661-
1692). It reveals the importance of the oral element which can be attributed not so much
to the oral source of the narration but to an aesthetic of emotion, prosopopeia being
considered the most likely to move the reader. The principal narrator in the novels
therefore delegates the telling of the story to secondary narrators, who improvise orally
stories in which they, in turn, delegate the story-telling to their characters. It can also
be seen that, unlike the stories inserted in the novels, the short-stories are generally
presented as being written accounts and not of improvised oral origin. These short stories
are inserted, with one exception, into conversations which comment upon them. They
are not read when alone, in silence, but aloud to a group of acquaintances or friends.
Furthermore, even if these narratives give the impression of being independent tales,
the first persan still intervenes, albeit discretely and who directly addresses the reader
just as the secondary narrator in the novels addressed his listener. The study has th us
shawn that there is a reticence about the anonymity of the relationship between the
author and the reader since printing was invented, on the one hand, and, on the other,
a strong desire to control the interpretation of fictional narratives, whereas the printed
version lends itself to a freedom of interpretation.
Le corpus analysé est composé de quatre romans (1641-1663) et de huit nouvelles (1661-
1692). On y observe l'importance de l'oral, qui doit être rapporté non tant à l'origine
orale de la narration qu'à une esthétique de l'émotion, la prosopopée étant considérée
comme la plus apte à émouvoir le lecteur. Le narrateur principal des romans délègue
donc la parole à des narrateurs seconds, qui improvisent oralement des récits dans
lesquels ils délèguent à leur tour la parole à leurs personnages. On y remarque aussi
que, contrairement aux histoires insérées des romans, les nouvelles sont le plus
souvent présentées comme des récits écrits et non improvisés à l'oral. Ces nouvelles
sont insérées, à une exception près, dans des conversations qui les commentent. Elles
ne sont pas lues en privé, silencieusement, mais à haute voix, à un groupe de familiers
ou d'amis. En outre, même si ces récits donnent l'impression de se raconter tout
seuls, un je y intervient encore, quoique discrètement, qui s'adresse directement à son
lecteur comme le narrateur second des romans s'adressait à son auditeur. L'enquête
montre donc une réticence envers l'anonymat de la relation qui lie l'auteur aux
lecteurs depuis l'invention de l'imprimé, d'une part, et une forte volonté de contrôle
de l'interprétation des narrations fictionnelles, alors que l'imprimé engage, lui, à une
lecture en liberté, d'autre part.