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Article Dans Une Revue Communio Année : 2012

Porter témoignage et recevoir le témoignage

Emmanuel Housset

Résumé

En montrant que le témoignage ne consiste pas à raconter sa vie, il devient possible de comprendre qu’il est d’abord un respect de ce qui se manifeste et que la force du témoignage vient de ce dont on témoigne. Or témoigner de l’Esprit, c’est aussi, dans le fini de la vie quotidienne, faire preuve de patience pour continuer à écouter la vérité et pour exister à partir de l’événement de l’Incarnation. Recevoir le témoignage et porter témoignage sont alors l’acte même de la foi.
[introduction de l'article]
Le témoignage est un mode de notre existence quotidienne, il est cette confiance qu'il m'est possible d'avoir dans les paroles d'autrui et autrui dans les miennes sans laquelle il serait impossible de vivre ensemble. En cela le témoignage élargit le présent de notre expérience à ce qu'il ne nous a pas été donné d'assister : je crois sur parole tel récit d'un événement et de ce fait je ne suis pas limité à ma seule expérience directe qui m'enfermerait dans une solitude radicale. De même ma mémoire n'est pas que ma mémoire, et celui pour lequel l'enfance a été marquée par le récit des survivants du « chemin des dames » participe par procuration à ce drame constitutif de sa mémoire qui pour lui n'appartient pas encore à l'histoire. En effet le témoignage reçu marque la différence entre mémoire et histoire, et par le témoignage notre expérience s'étend jusqu'où s'étendent nos rencontres dans une étrange participation directe-indirecte. Certes, il ne s'agit pas d'être naïf et de tout prendre à la lettre, mais il n'en demeure pas moins que le récit est reçu dans la confiance et que c'est dans cette confiance que je ne suis pas un simple observateur critique qui demeure extérieur à ce qui est raconté, mais qu'au contraire je suis là où l'action se passe dans un lien intuitif tout à fait particulier. Dans le même ordre, la force de certains romans est de nous donner de participer, au moins par une petite partie, à l'innommable de l'histoire, de nous donner au moins un bref surgissement du réel qu'aucun livre d'histoire objectivant le passé ne peut rendre présent. Par le témoignage ce que je n'ai pas vécu peut posséder tout de même une dimension intuitive qui fait sa réalité. En conséquence, ne pas porter témoignage et ne pas recevoir le témoignage isoleraient radicalement les hommes les uns des autres, et c'est la possibilité même d'une vie commune qui serait mise en cause. Ainsi le témoignage engage ce que nous avons à être plus que toute connaissance purement théorique de soi, car avec lui nous sommes engagés dans des situations concrètes de l'existence dans lesquelles notre vie est inséparable de celle des autres. Tel est le paradoxe initial d'une réflexion sur l'acte de témoignage : d'un côté c'est moi qui témoigne et qui reçoit le témoignage et, d'un autre côté, le sujet du témoignage est toujours un « nous », car c'est par les autres et pour les autres qu'il est possible de témoigner.

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Citer

Emmanuel Housset. Porter témoignage et recevoir le témoignage. Communio, 2012, Rendre témoignage, 222, pp.34-43. ⟨hal-02141783⟩
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