Historicité et fragilité du sens selon Husserl
Résumé
La « fragilité du sens », même si l’expression n’est pas de Husserl, vient caractériser une dimension fondamentale de la connaissance, car elle tient, d’un côté, au fait que le sens peut disparaître, que le projet propre à la philosophie peut échouer, mais, d’un autre côté, elle relève de la tension constitutive à l’avoir à être entre l’Idée et la volonté actuelle. La fragilité du sens n’est donc pas une fatalité tragique, mais est liée au fait que le sens est intentionnel et relève donc d’une subjectivité qui doit le porter. Dès lors, le sens téléologique n’est pas ce qui serait toujours déjà pleinement vu dans une évidence adéquate, mais il peut être saisi, dans une évidence apodictique, comme la direction du vouloir continuellement à accomplir, sans que soit fermée la possibilité d’une rechute dans le naturalisme ou l’objectivisme, la possibilité d’un oubli de soi qui est aussi une perte de son être. Le sens se trouvant ainsi à accomplir dans l’inquiétude de l’avoir à être, la grande fatigue et l’inquiétude sont les deux dimensions opposées de la fragilité du soi dans son historicisation. La thèse ultime de Husserl relativement à la crise du sens est la suivante : le sens demeure toujours relatif à un acte de validation et de valorisation et découvrir en soi non seulement sa subjectivité transcendantale, mais également son historicité essentielle, revient à comprendre que le sens du monde ne dépend pas d’une liberté arbitraire, mais est confié à notre veille constante comme une « Idée qui gît à l’infini ». Il appartient à la nature du sens d’être en crise, dans la mesure où comme Idée infinie qui s’impose à la conscience historique, il met l’ego devant lui-même, c’est-à-dire devant la nécessité de se décider à faire de sa vie une tâche infinie d’élucidation du sens.