. Michel, qui développent des éléments de la scène en s'appuyant sur la logique interne de l'histoire racontée. Il introduit ainsi des relations de cause à effet, comme au vers 37 : « Par là Orpheus de sa partie recordz », qui rappelle la motivation de la descente d'Orphée aux Enfers, ou encore au vers 158 : « Pour la douleur d'absence si soubdaine », qui explique pourquoi Orphée entend à peine l'adieu d'Eurydice. Souvent, le poète semble se représenter mentalement la scène décrite par Ovide, pour la reconstituer avec des détails supplémentaires. Ainsi, la scène de la mort d'Eurydice, rapidement évoquée dans le texte latin, se trouve métamorphosée par Michel d'Amboise en un petit tableau en mouvement : nam nupta per herbas Dum noua Naiadum turba comitata vagatur, Amboise se livre aussi comme Marot à quelques ajouts « par logique du récit, vol.62

, De même, la froideur de l'Aquilon est rendue sensible dans ce bel ajout : ?pulsumque aquilonibus Haemum

H. Et-vers, qui Tracie enveloppe Lequel on veoit par Aquilon froit vent Blanchir de neige, et de gresle souvent, pp.195-196

, Amboise amplifie les discours -comme la suasoire d'Orphée où le je de l'orateur se trouve plus fortement impliqué par les ajouts des vers 54 : « Je vous supplie, escouttez mon affaire » et 58 : « Comme je croy et le puis asseurer » -et transforme des passages narratifs en dialogues quand le texte d'Ovide le permet. D'un tel passage de la troisième à la deuxième personne témoigne le vers 160 où le poète apostrophe Orphée, là où Ovide se contentait d'évoquer la douleur du poète endeuillé pour la seconde fois : Non aliter stupuit gemina nece coniugis Orpheus, Trait plus spécifique de la traduction de Michel d'Amboise, certains récits ovidiens se trouvent transformés sous sa plume en petites scènes dialoguées

P. Maréchaux and «. L'arrière-fable, , p.88

D. Claivaz and . Ovide, , p.215

X. Bonnier, « La composante dialogique des Cent epigrames », Éditer Michel d'Amboise, Journée d'étude organisée par Sandra Provini à l'Université de Rouen-Normandie le 26 avril 2017, Que celluy là qui?, pp.159-161

, Ovide raconte comment Charon a empêché Orphée d'accéder de nouveau aux Enfers, Amboise théâtralise la scène en introduisant un passage au discours direct et en amplifiant considérablement les vers 73-75 du livre X, qu'il rend par 18 décasyllabes : Orantem frustraque iterum transire volentem Portitor arguerat, septem tamen ille diebus Squalidus in ripa Cereris sine munere sedit

, retourne Soubdainement et tu seras que sage Car tu ne peulx plus passer ce passage ». Sa presumptive et oultrageuse gloire Le pauvre Orpheus triste, et tresdollent, voire Trop plus beaucoup qu'il n'estoit paravant, Euridice regrettant et pleurant, Ce nautonnier, que si fort se courrouce L'aymant Orpheus de sa parolle doulce Cuyde apaiser, mais ce fut vainement Combien qu'assez luy en feit suppliement. Il toutesfois par Charon repoussé Sept jours entiers demoura courroucé Estant muet de langue, pp.171-188

, Amboise ajoute en outre plusieurs vers par lesquels il dépeint la vive douleur d'Orphée lors de la seconde mort d'Eurydice. On reconnaît ici à la source de l'amplification la touche personnelle du poète du deuil conjugal qu'est Michel d'Amboise, comme c'était déjà le cas dans les vers consacrés au premier deuil d'Orphée : Quam satis ad superas postquam Rhodopeius auras Defleuit vates, ne non tentaret et vmbras

, Sa mort sachant Orpheus le poete Incessamment la plaint et la regrette Tousjours la pleure, et sans fin la lamente Sa douleur est si tresfort vehemente D'avoir perdu son espouse nouvelle Qu'il n'en feut point jamais congneu de telle Apres l'avoir plorée plus d'assez Pource qu'encor d'elle n'estoient passez Ses grandz regretz, delibere aller veoir Les dieux d'enfer et faire tout debvoir De l'impetrer envers leur seigneurie, Qui fut pourquoy il vint en Tenarye, pp.23-34

, 115) -des vers qui définissent, en somme, la poésie élégiaque. Ces transformations du texte source donnent ainsi à entendre la voix de Michel d'Amboise, spécialisé, comme l'écrit Richard Cooper, « dans les chants funèbres et les élégies 64 » mais aussi dans une exaltation de l'amour conjugal qui rappelle son contemporain néo-latin Jean-Salmon Macrin. La prédilection qu'il manifeste dans son oeuvre pour la thématique du deuil conjugal n'est sans doute pas étrangère au choix du livre X des Métamorphoses, chant de deuil qui fait entendre, après les plaintes d'Orphée, celles d'Apollon pleurant Hyacinthe ou de Vénus pleurant Adonis. Significativement, Michel d'Amboise choisit, entre deux interprétations possibles du texte latin 65 , de dépeindre la seconde mort d'Eurydice du point de vue de l'époux qui perd sa bien-aimée, plutôt que du point de vue de celle-ci : Flexit amans oculos, et protinus illa relapsa est, Brachiaque intendens prendique et prendere captans Nil nisi cedentes infelix arripit auras. son visage tourna Devers sa femme, elle acoup retourna Dedans enfer, lieu qui ne peult finyr. Il tend ses bras, Ces deux passages sont ceux de l'épisode d'Orphée dans lesquels l'amplification est de loin la plus importante. On remarque en outre que la plus grande partie des autres vers ajoutés par le traducteur ont trait à la musique douce et plaintive d'Orphée, ou à ses lamentations (vers 98, vol.100, pp.108-109

, Les deux poètes partagent en effet un même souci de fidélité et de clarté -il s'agit de rendre Ovide plus accessible au lecteur contemporain -et un même rapport au commentaire, qu'ils choisissent ou non d'utiliser en fonction de leurs objectifs propres, En définitive, il n'y a rien de surprenant à ce qu'un éditeur peu scrupuleux ait voulu vendre la traduction de Michel d

M. Michel-d'amboise-semble-bien-ainsi-viser-le-même-public-de-cour-que, qui avait offert sa traduction à François I er : il manifeste en effet une attitude comparable vis à vis de la culture humaniste, ne retenant pas le commentaire savant comme finalité, mais comme moyen au service d'une version française « embrassant la subtilité d'Ovide sans imposer d'effort particulier au lecteur » 66

R. Cooper and . Michel-d'amboise, , p.446

, Georges Lafaye traduit pour sa part : « son amoureux époux tourne les yeux et aussitôt elle est entraînée en arrière ; elle tend les bras, elle cherche son étreinte et veut l'étreindre elle-même ; l'infortunée ne saisit que l'air impalpable » (Ovide, Les Métamorphoses, Texte établi et traduit par Georges Lafaye, 1965.

D. Claivaz and . Ovide, , p.228

. Une-muse-«-dollante, Orphée de Michel d'Amboise et l'Esclave fortuné, qui s'était déjà identifié au poète mythique dans son premier recueil des Complaintes 68, vol.67

L. Michel-d'amboise, . Babilon, and . R°,

. Michel-d'amboise, Les complaintes de l'Esclave fortuné », Epistres veneriennes, op. cit., f. cxxiii v°