, Être beau, mais comportant un versant dionysiaque et destructeur, conformément à son origine mythique (la racine du nom donne des mots traduits par « détruire » ou « perte », et Apollyon est aussi dans la Bible une figure démoniaque), il semble permettre à Saint Jean, un Prieur, et au jeune novice de celui-ci, Hyacinth, de faire l'expérience d'un éveil intellectuel et d'une plénitude sensuelle retrouvée. Mais là encore, la fiction vient refléter la rupture autobiographique. La suspicion ressentie envers cette résurgence du monde païen, de même que la folie meurtrière qui saisit Apollyon -celui-ci tue bien sûr accidentellement Hyacinthempêchent l'appropriation de l'idéal classique généreux qu'il incarne. Apollyon est alors contraint à l'exil. Toutefois, le sang du jeune Hyacinth ne donne naissance à aucune fleur. Le Prieur croit à la fin du portrait apercevoir des hyacinthes, mais elles sont décrites comme des illusions, une sorte de couleur bleue qu'il confond avec les fleurs du renouveau. Les lectures divergent sur l'interprétation de ce dernier portrait. Pater exprimerait-il ses craintes devant la tournure païenne et scandaleuse qu'auraient pris chez certains son hellénisme et son culte des impressions ? Les mythes grecs étaient à ses yeux en devenir permanent : ils donnaient lieu à une multiplicité de formes et d'interprétations, et ils reflétaient les aspirations profondes de l'homme. Le mythe se prêtait à de constantes relectures et réécritures. Or, lui aussi désira s'inscrire dans cette fabrication de mythes. Aussi transcrivit-il dans sa fiction et dans ses propres mythes sa certitude, plus pessimiste que jamais, que la régénération incarnée par cet être grec, qui revient dans un milieu à la fois propice aux liens entre hommes et foncièrement homophobe (l'analogie avec le milieu oxonien de Pater est à nouveau très nette dans ces deux Portraits), était en fait impossible. Oscar Wilde, son disciple indiscipliné, Pater exprime à nouveau ses thématiques de prédilection : le conflit entre paganisme et christianisme, ou, en termes arnoldiens, entre Hébraïsme et Hellénisme ; le paradigme de l'éducation pédagogico-amoureuse ; et le motif du dieu jeune et beau, aux traits androgynes, qui exerce une fascination inexpliquée, mais qui est aussi double. « Denys L'Auxerrois », publié tout d'abord dans le Macmillan Magazine en 1886, puis dans le volume Imaginary Portraits en 1887, et « Apollo in Picardie », publié en 1893 dans Harper's, 1980.

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