, Son témoignage, qui s'apparente à un récit d'aventures, est aussi un moyen pour la mémorialiste de défendre son mari et de régler ses comptes avec ses contemporains, une intention qu'elle affiche dès le début de ses mémoires lorsqu'elle affirme : « C'est ma vie et la nécessité, non le plaisir de la vengeance, qui m'ont fait insérer des passages qui feront tantôt apparaître ceux qu'ils concernent sous un jour peu avantageux, tantôt les couvriront d'éloge 49 . » L'une des cibles d'Anne Fanshawe n'est autre que le royaliste Edward Hyde, ministre de Charles I er et de Charles II, mon affliction était inexpressible 48 . » Mais que l'on ne s'y trompe pas : Ann Fanshawe n'est pas l'auteur naïf qu'on a voulu en faire

, Dans la troisième partie de ses mémoires, sa critique se fait plus sévère encore puisqu'elle porte directement sur la politique de Charles II 50

M. Comme-ann-fanshawe and . Cavendish, Ainsi par exemple, lorsqu'elle raconte l'évasion rocambolesque du duc d'York en avril en 1648 -à laquelle elle a activement participé en lui fournissant des vêtements de fille -elle mentionne à quel moment précis les informations qu'elle fournit lui ont été dictées par un tiers, « Mr N. » qui était « témoins de tout 51 ». Ailleurs, pour donner plus de véracité à son récit, elle retranscrit les discours qu'elle a entendus au discours direct. C'est le cas, par exemple, lorsqu'elle met en scène sa conversation avec les officiers parlementaires à Fyvie après la bataille de Dunbar (3 septembre 1650), lors de son séjour chez la comtesse de Dunfermline. -Comment se fait-il (dis-je) que vous avez pris le pouvoir au Parlement et aux différentes formes de gouvernement qui ont suivi puisque c'était le roi que vous vouliez ? -Parce que, dit-il, Anne Halkett prend soin de ne rapporter que des faits dont elle a été le témoin -lorsqu'elle s'écarte de cette forme de relation, elle s'en justifie auprès du lecteur

, Mais comme dans les cas précédents, le témoignage d'Anne Halkett n'est pas innocent

. Certes, I. I. Charles, and . De-dunbar, la remercie pour les services qu'elle a rendus à la monarchie : [Le roi] s'approcha de moi et me dit : « Mrs Murray, j'ai honte de ne pas vous avoir parlé plus tôt, mais la raison en est que je ne pouvais vous remercier suffisamment pour le service que vous avez rendu à mon frère. Mais si un jour je dispose du droit de commander qui est le mien, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous aider. En prononçant ces mots, le roi posa sa main sur les miennes qui se trouvaient sur ma poitrine, Je me suis humblement inclinée et j'ai embrassé la main de sa Majesté 53

A. Fanshawe, « [?] upon the 2 day of September following was fought the Battle of Woster [Worcester], when the King being missed and nothing of your father being dead or alive for 3 days heard of [?] I neither eat nor sleep, but trembled at every motion I heard, expecting the fatal news which at last came in their newsbook, pp.133-134

A. Fanshawe and . Memoirs?, 119: « my life and necessity, not delight or revenge, hath made insert some passages which will reflect on their owners, as the praises of others will be but just

A. Fanshawe, Sur les relations avec Hyde et sur la critique de Charles II, p.132

M. Bassnet, All the ceremonyes and civilityes, The Authorship of Diplomacy in the Memoirs of Ann, Lady Fanshawe, vol.26, pp.94-118, 2011.

A. Halkett, The Memoirs, p.26

A. Halkett, How comes (said I) you have taken the power from the Parliamentt and those successive interests that have governed since you wanted the King?" / "'Because, said hee, wee found after a little time they began to bee as bad as hee, and therfore wee changed, p.211

. Ibid, Mrs. Murray, I am ashamed I have been so long a'speaking to you, butt itt was because I could nott say enough to you for the service you did my brother. Butt if Cependant, malgré le culte qu'elle voue au roi, la mémorialiste, en d'autres endroits, s'emploie, comme Margaret Cavendish et Ann Fanshawe à démystifier la cour et ses factions, pp.53-54

. Ainsi, «. Destin-tragique-de-son-jeune-frère-william, and C. De-la-reine-mère, et celle de Princesse royale 54 », parce qu'il était suspecté d'avoir voulu faire couronner le duc d'York avec la complicité du colonel Bampfield : Vers cette époque, mon frère Will rentra très mécontent, et pour de bonnes raisons, car des personnes s'étaient employées à jeter des semences de jalousie entre le roi et le duc d'York ; à la suite de quoi, ils accusèrent mon frère d'entretenir une correspondance avec C. B., qui entretenait depuis Londres des relations secrètes avec l'Écosse

. Ce-passage and . Qu, on a eu tort de trop vouloir « dépolitiser » les Mémoires de Lady Anne Halkett ; on voit ici au contraire que la mémorialiste, comme ses contemporaines, se place sur le terrain de la politique et de l'histoire 56 . De ce point de vue le colonel Bampfield n'est pas seulement un personnage romanesque peu scrupuleux

, idée que l'histoire de la Révolution anglaise aurait seulement été écrite par des hommes. La fluidité entre les sexes qui caractérise la vision du genre à l'époque moderne se vérifie aussi dans l'historiographie. À l'instar des hommes, les femmes se présentent comme des témoins avertis de l'histoire, et optent, comme eux, pour le genre des Mémoires, un genre qui les conduit à relire leur expérience de la Révolution et à corriger l'histoire officielle. Selon nous, ces versions féminines de l'histoire méritent d'être entendues et intégrées dans l'histoire nationale de la Révolution anglaise, une histoire mixte 57 , nécessairement complexe et polyphonique qui, comme le souligne l'historien Thomas May dès 1647, ne peut s'écrire qu'à plusieurs mains : Le monde a su par la renommée combien d'actes de valeur la nation anglaise

G. Claire,

, ever I can command what I have right to as my owne, there shall bee nothing in my power I will not do for you. And with that the King laid his hand upon both mine as they lay upon my breast. I humbly bowed down and kist his Majesty

. Ibid, 29 : « This account I had from Mr. N, who was

. Ibid, Aboutt this time my brother Will came home much discontented, as hee had great reason, for some persons, who made itt there busynese to sow the seed of jelousye betwixt the King and Duke of Yorke, in pursuite of that accused my brother that hee kept a correspondence with C. B., who staid att London to hold intelligence in Scotland, vol.28, p.326

, Sur l'idée d'une histoire mixte, voir Sophie Vergnes, « Des discours de la discorde : les femmes, la Fronde et l'écriture de l'histoire, Études Épistémè, p.19, 2011.

M. Voir-thomas, chez Béchet Ainé, 1823, p. 6 : « How much valour the English Nation on both sides have been guilty of in this unnaturall Warre, the World must needs know in the generall fame, Histoire du Long-Parlement convoqué par Charles I er en 1640, 1647.