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Après avoir été effrayé à l’idée de voyager par plaisir en raison de la connotation guerrière de cette dernière mais également d’une peur des reliefs naturels, une nouvelle perception renverse à la fin du XVIe siècle cette pensée. La conception utilitaire du voyage prend l'ascendant au cours du siècle suivant, avec la possibilité d'apprendre et de se forger une culture personnelle jugée essentielle aux nobles de cette époque. Cette conception évolue à nouveau grâce à l'influence des Lumières et de nombreuses découvertes scientifiques ou philosophiques du XVIIIe siècle. La pratique voyageuse est maintenant comprise comme un moyen de connaître la terre, de partager les savoirs pour une plus grande égalité. Dans ce contexte, les scientifiques sont devenues des acteurs centraux, notamment en se rendant directement sur les lieux à expertiser. Ainsi, en plus d'une large publication d'imprimés de relation de voyage fait par des nobles en mission diplomatique ou dans la réalisation de leurs Grands Tours, se développent en parallèle des mémoires scientifiques tirés de leurs voyages. Dans la même période, un nouvel acteur dans le chaînon de l'imprimerie vient bouleverser l'ordre établi au siècle précédent, les périodiques. C'est avec ce nouveau support que les savants-voyageurs ont diffusé non seulement des extraits de leurs mémoires mais également des lettres, des synthèses et des questionnements portants sur les avancées scientifiques. Dans ce microcosme où vivent savants et acteurs de l'impression, de nombreux d’échanges et interactions s’étiolent, tels que des demandes d'instructions spécifiques ou d'aide particulière pour récupérer divers échantillons provenant d'une région lointaine. Cet ensemble se représente également à travers le carnet, un outil essentiel à la sauvegarde des pensées du voyageur qui le suit en toutes circonstances au cours de ses trajets. C'est avec cette source que ce mémoire se propose de retracer la méthodologie d'un savant-voyageur au tournant du XVIIIe siècle en la personne du chevalier Déodat de Dolomieu. Au travers de ses carnets se dévoile les traces de sa pensée savante et des évolutions de cette dernière au cours de ses pérégrinations, permettant la reconstruction d'une méthodologie propre à ce dernier. De même, elle permet la sauvegarde des humeurs de son propriétaire au cours de ses trajets mettant en lumière sa perception de la pratique voyageuse. Enfin, ce même objet se révèle être l'outil le plus essentiel à la propre compréhension de sa conception aux yeux de son propriétaire, ainsi que de pouvoir distinguer si cela est réellement nécessaire les propriétés entre une relation de voyages pour son plaisir et celui d'une relation savante faite pour autrui.
La décimalisation du temps est un procédé essentiellement mathématique pour partager le temps et donc le mesurer. Son utilisation est simplificatrice dans de nombreux calculs liés au temps. La décimalisation du temps s’inscrit aussi dans une démarche française qui est la suite de celle sur la décimalisation du mètre faite après la révolution française. Elle apparait plusieurs fois dans les débats savants et publics entre la révolution française et le début du XIXème siècle. Pourtant ce procédé mathématique n’a jamais réussi à entrainer une réforme dans la mesure du temps de la même manière que la décimalisation du mètre. Les travaux d’un horloger, E. Macé , référencés aux Archives nationales sous le numéro F/17/3716, nous fournissent une porte d’entrée pour comprendre les marqueurs et les freins qui étaient liés à une telle réforme. Les débats des savants à la fin du XIXème siècle nous éclaireront sur les différentes possibilités pour décimaliser le temps. Une étude des procès–verbaux du Bureau des longitudes sur la période 1875-1901 nous aidera à comprendre pourquoi après une ultime tentative vers 1897 avec la Commission de décimalisation présidée par Henri Poincaré, toute réforme pour décimaliser le temps est définitivement abandonnée.
En 1750 et 1751, une campagne hydrographique est réalisée dans le golfe de Gascogne à la demande du Dépôt des cartes et plans de la Marine. Cette campagne a pour but de vérifier et de corriger des cartes marines déjà publiées de la même région. Pendant la mission, plus de 350 sondes à plomb suiffé sont relevées dans le golfe afin de mesurer la profondeur de l’eau et pour lever des échantillons du fond marin à différents points. En étudiant les diverses archives provenant de cette campagne, la chaîne de production des savoirs hydrographiques en jeu au XVIIIe siècle est exposée et déconstruite. Elle englobe chaque étape dans le processus de construction de cartes marines, de l’émergence d’un besoin aux travaux sur le terrain et à leur utilisation finale. Les archives contiennent également les données hydrographiques brutes récoltées pendant la mission. Une méthodologie pour le traitement et l’analyse de ces données hydrographiques historiques est proposée et détaillée. La chaîne de traitement passe par la transcription des données des sources archivistiques à leur standardisation et classification selon des données de référence. Les données historiques ainsi traitées sont ensuite comparées et analysées par rapport à des données actuelles équivalentes. La méthodologie développée implique l’utilisation d’outils en humanités numériques, surtout pour la visualisation via la mise en carte des données historiques traitées.
Le débat sur la nature de la relation entre écologie et écologisme repose principalement sur des présupposés épistémologiques quant au statut de l'écologie et quant à la façon dont elle doit prendre en compte les activités humaines. L'écologie peut être considérée comme une partie de la biologie, comme une science naturelle interdisciplinaire, ou comme une science interdisciplinaire qui fait le pont entre sciences de la nature et sciences de l'homme. La prise en compte de la spécificité culturelle de l'homme dans son rapport aux écosystèmes et à la biosphère dépend donc du statut que l'on donne à l'écologie.
Ce mémoire s'intéresse aux collaborations possibles entre Intelligence Artificielle et philosophie. Il montre que les deux disciplines peuvent partager des objets, des théories et des résultats pour apprendre l'une de l'autre. La stratégie de ce mémoire consiste à expliciter des relations épistémologiques entre les problématiques propres aux deux disciplines ("IA faible" et "IA forte"), afin de définir des modes de collaboration sur le plan disciplinaire. La deuxième partie de ce mémoire présente les travaux de philosophes et de spécialistes de l'IA, depuis les débuts de l'Intelligence Artificielle jusqu'aux années 80. Elle expose les démarches collaboratives exploitées par ces chercheurs, de manière implicite ou explicite. La troisième partie présente des travaux où la philosophie sert de socle conceptuel à l'Intelligence Artificielle, notamment en ce qui concerne la simulation de phénomènes émergents. La quatrième partie réalise un renversement des relations classiques entre les deux disciplines. C'est au tour de l'Intelligence Artificielle de se mettre au service de la philosophie, en formulant de nouvelles hypothèses de recherche ou en testant les théories philosophiques à partir de cas concrets. Ce mémoire, enfin, espère œuvrer pour le rapprochement des deux disciplines et ainsi encourager philosophes et spécialistes de l'IA à collaborer sur les sujets qui leurs sont chers.
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Le calcul des probabilités connaît des bouleversements profonds entre 1918 et 1939, notamment à Paris où l'Institut Henri Poincaré ouvre en 1928 et se constitue rapidement en centre international dans ce domaine. En utilisant une approche croisée, nous analysons les processus sociaux à l'œuvre au sein de la Faculté des sciences de Paris et au sein de l'Académie des sciences participant à l'affirmation du calcul des probabilités comme discipline mathématique et soutenant les recherches dans ce domaine. Nous mettons ainsi en évidence les stratégies mobilisées par un petit groupe de mathématiciens pour donner un cadre institutionnel aux dynamiques probabilistes à l'échelle parisienne et internationale dans lesquelles ils s'investissent activement. Nous analysons en particulier la pratique d'un transfert culturel alimentant les développements probabilistes à Paris.
La question de l'abiogenèse (c'est-à-dire de l'origine de la vie) est une question transversale à l'intersection de préoccupations scientifiques, anthropologiques et philosophiques. Cette thèse interdisciplinaire combine des approches des sciences de la nature, et des sciences humaines et sociales, pour présenter des résultats expérimentaux de biochimie, leur contexte de production et le paysage conceptuel dans lesquels ils s'insèrent. Le champ de la recherche sur l'origine de la vie regroupe une multiplicité d'approches, allant de la détection de biosignatures dans des formations géologiques, à la simulation informatique de phénomènes biologiques. Une de ces stratégies consiste à fabriquer des systèmes physico-chimiques évolutifs capables d'acquérir de nouvelles propriétés, que les chercheurs associent à des processus vitaux, comme le métabolisme ou la reproduction. Cependant, il n'y a pas de consensus scientifique sur la définition de la vie, et les laboratoires impliqués dans cette entreprise peuvent avoir des conceptions différentes de ce phénomène complexe. De ce fait, la signification des artefacts synthétisés ne se comprend qu'en associant leur fonctionnement physico-chimique à la culture épistémique de ceux qui les produisent. En prenant comme cas d'étude le laboratoire de biochimie de l'ESPCI Paris - PSL, (i) nous présentons des résultats expérimentaux de processus évolutifs dans des réseaux biomoléculaires, (ii) nous mettons en lumière le contexte humain de cette recherche sur l'origine de la vie, (iii) et nous proposons un cadre philosophique conceptuel de la transition de l'inerte au vivant. Ceci aboutit à l'élaboration du concept de « protovies » faisant référence aux objets fabriqués et interprétés comme évoluant vers un vivant supposé. L'étude des protovies du laboratoire permet ainsi d'en apprendre plus sur l'abiogenèse, mais aussi sur les conceptions de la vie des chercheurs impliqués. (i) Dans cette thèse, nous présentons les réalisations expérimentales de deux protovies : un système de gouttelettes microfluidiques qui croissent et se divisent en fonction de leur composition chimique ; et un système d'ARN catalytiques qui se reproduisent moléculairement, en générant en parallèle de nouvelles espèces d'ARN. Les résultats présentés montrent la possibilité de faire émerger des propriétés d'évolution darwinienne au sein de systèmes synthétiques non vivants, permettant ainsi d'appréhender des étapes de l'abiogenèse. (ii) D'un point de vue anthropologique, nous exposons les résultats d'une ethnographie (c'est-à-dire la description et l'analyse d'un groupe culturel depuis l'intérieur) de la production et de l'interprétation des protovies présentées dans la partie biochimique de la thèse, au regard des conceptions darwiniennes de la vie des chercheurs du laboratoire. À l'aide d'une observation participante et d'entretiens semi-directifs, nous montrons comment les systèmes synthétiques étudiés deviennent des protovies, au fur et à mesure des expérimentations, analyses et discussions. (iii) Enfin avec une démarche de philosophie des sciences, nous affinons les différentes compréhensions de la question même de l'origine de la vie, selon plusieurs axes de contraintes liées à : l'historicité, la spontanéité et la similarité avec la vie telle qu'on la connait. Cela rend explicite les types de questions auxquelles les protovies nous permettent de répondre. Cette réflexion s'accompagne de la mise en place d'outils conceptuels, sous la forme de seuils, pour faciliter la conceptualisation de scénarios d'origine de la vie, dans lesquels peuvent s'insérer les protovies.
Cette thèse essaie de reconstituer l’histoire de la réception du calcul leibnizien dans les milieux savants français (1690-1706). Nous repérons deux jalons : d’abord au sein d’un groupe autour de Malebranche, initié au calcul par Jean Bernoulli (1667-1748), puis à l’Académie des sciences. Dans les deux cas nous mettons en avant les horizons d’attente des acteurs. Alors que cet épisode a été beaucoup étudié en termes de rupture, nous insistons, par une analyse des sources primaires (dont plusieurs inédites) sur le fait que cette appropriation s’effectue aussi grandement sur des usages acquis. Dans la première partie, nous examinons l’héritage mathématique à partir duquel est reçu le calcul de Leibniz par le groupe autour de Malebranche. Cette analyse nous permet de montrer que leur appropriation s’appuie sur des pratiques partagées et non sur un terrain vierge comme on l’a trop souvent supposé. Nos mathématiciens réalisent que le l’algorithme différentiel permet de donner une étoffe nouvelle à des notions déjà impliquées dans les méthodes précédentes. Dans la seconde partie, nous étudions la genèse et la structuration du premier ouvrage de calcul différentiel écrit par l’Hospital et publié en 1696 sous le titre Analyse des infiniment petits pour l’intelligence des courbes. Après cette publication, le calcul devient très présent à l’Académie. Une crise y éclate entre partisans et adversaires du calcul. L’examen de leurs discours, objet de notre troisième partie, permet de préciser les notions telles que celle de différentielle ou de courbe, ainsi que la manière dont il est possible d’interpréter géométriquement les résultats issus des calculs.
This work takes place in the context of a theoretical approach in biology which uses the examples of objectivation in physical theories without reducing biological phenomenalities to them. We begin by investigating the empirical biological scaling relationships found in the literature (allometric relationships, fractals, ...), including their variability. We will then consider two different aspects of biological time. First, we will develop the notions of protension and retention as an account of local organization of biological time. Then we consider a supplementary temporal dimension to accommodate proper biological rhythms. Since the notion of symmetry plays a foundational role in physics, we investigate its possible role in biology. In relation with the notion of extended critical transitions, we propose the hypothesis that organisms and evolution can be understood as characterized by ubiquitous symmetry changes. This transforms the status of biological objects, provides an approach of their historicity and leads to propositions on the theoretical nature of biological measurement. We also discuss anti-entropy as a measurement of a potential of variability. We focus then on the notion of level of organization. We start from the notion of organizational closure, which is considered as a core biological invariant by many theoretical biologists. Then, we will approach levels of organization by the paradigm of criticality, which will allow to define them in a strong theoretical way. Finally, we sketch an operatorial scheme of the coherence of organisms, which combines most of the above mentioned approaches.
En France, la réaction sociale à la crise psychique est essentiellement assurée par les urgences de l’hôpital psychiatrique public qui sont confrontées à des difficultés d’ordre économique, conjoncturel, et moral. Cependant, les principales orientations politiques nationales et internationales ont adopté les principes du rétablissement, et préconisent le développement d’alternatives aux urgences psychiatriques conformément aux revendications des (ex)usagers de la psychiatrie. Comment se fait la réception française de cette nouvelle politique de santé mentale ? Ainsi, la thèse analyse l’expérience individuelle et sociale de la crise psychique par l’ethnographie d’un dispositif innovant, le Lieu de Répit Marseille, qui propose un accueil soutenu de la crise psychique par le savoir expérientiel en alternative à l’hospitalisation. L’observation des interactions entre les acteurs (usagers, proches, professionnels de santé, etc.) révèle l’incidence du cadre moral sur l’expérience vécue de la crise psychique. La thèse montre une hiérarchisation sociale subit par les (ex)usagers de la psychiatrie qui imprègne les modalités de soin, et le Stigmate (Goffman, 1975) que représentent les troubles psychiques participe à l’instauration d’une méfiance vis-à-vis de l’institution hospitalière. La valorisation des savoirs expérientiels et du travail pair au lieu de répit permet de partager l’expérience des troubles, et d’instaurer de nouvelles normes relationnelles qui produisent des effets thérapeutiques. La participation des (ex)usagers aux niveaux micro, méso, et macrosocial entraîne l’évolution des interactions sociales, et représente un levier pour améliorer la réponse à la crise psychique. La thèse s’est intégrée à une recherche-action participative qui a accompagné la construction du modèle interventionnel. Dans un premier temps, une analyse des trajectoires hospitalières est réalisée, puis le dispositif innovant est situé dans une perspective historique et spatiale. Le processus de recherche-action participative est analysé, ainsi que le lexique local qui révèle les normes morales des acteurs, et les représentations sociales associées à la psychose. La seconde partie précise les modalités pratiques du dispositif et souligne la complexité organisationnelle induite par la crise psychique. Le travail émotionnel réalisé par les intervenants est souligné et mis en lien avec les spécificités du travail pair, ses apports et les modifications identitaires qu’il induit. Pour finir, les parcours de rétablissement des usagers du lieu de répit sont analysés.
L’objet de ce travail est d’étudier les évolutions des mathématiques dans l’État de Saxe entre 1765 et 1851. En analysant les transformations sociales et institutionnelles de la discipline, nous montrons que cette période, loin d'être une période creuse pour les mathématiques allemandes, est riche en réflexions sur leur rôle et leurs méthodes. Une attention particulière est portée aux réformes des institutions scientifiques et techniques dans lesquelles les mathématiques sont pratiquées, notamment les universités de Leipzig et Wittenberg, l’Académie des mines de Freiberg et l’École polytechnique de Dresde. Les archives des établissements, ainsi que l'étude biographique des mathématiciens, permettent d'analyser les politiques scientifiques engagées et leur influence sur le développement des sciences mathématiques en Saxe.
En Occident au XIIIe siècle, pour répondre au nouvel afflux de connaissances issues des traductions gréco-latines et arabo-latines du siècle précédent, s'organisent des milieux d'enseignement et de diffusion, sinon de vulgarisation de la philosophie et de la science. Les universités naissent alors, mais les collèges d'ordres religieux surtout s'établissent en relais du savoir ; parmi eux, les ordres mendiants prennent une part essentielle. En parallèle se met en place un outillage mental et intellectuel capable d'assimiler et de manier ces nouveaux contenus qui ouvrent peu à peu à une autre conception du monde : on découvre les œuvres sur la nature d'Aristote après avoir usé longuement de sa seule logique. On comprend mieux Platon à la lumière des écrits arabes. On décrit les astres, les animaux, les plantes, les maladies, grâce à des critères qui mêlent à la fois une typologie neuve influencée par Aristote et des héritages de l'Antiquité tardive. Dans ce processus dynamique, Arnold de Saxe est un des premiers à satisfaire une telle demande intellectuelle en offrant une compilation-florilège de philosophie naturelle et morale intitulée "De floribus rerum naturalium" ; celle-ci compte quatre livres de véritables "fleurs de la nature" et un cinquième consacré à la morale où s'organisent des citations puisées dans la littérature latine disponible. Ce travail de doctorat s'intéresse à Arnold de Saxe à travers une étude complète de l'ensemble de sa production, qui permet de déterminer quels furent son milieu d'activité et son époque, la France et l'Allemagne des deuxième et troisième quarts du XIIIe siècle. Avant cette étude, Arnoldus Saxo, Arnoldus Luca ou Arnoldus de Saxonia n'était connu qu'à travers le "De floribus" (erronément appelé "De finibus" par V. Rose), qu'on situait entre 1220 et 1230. L'étude met au jour huit nouveaux manuscrits de l'ouvrage encyclopédique qui s'ajoutent aux quatre déjà connus [depuis la thèse déposée en nov. 2000, j'ai découvert deux autres manuscrits partiels du De floribus rerum naturalium]. En outre, la thèse a permis la découverte et l'étude de trois autres ouvrages du même auteur : un traité de médecine "a capite ad calcem" qui intègre les progrès récents de la science médicale ; un dialogue en forme de disputatio en quatre parties sur les vertus et des vices ("De iudiciis virtutum et viciorum"), et une brève " consolation " imitée de celle attribuée à Sénèque. La thèse, centrée sur l'histoire des textes et l'assimilation du savoir, caractérise les sources d'information philosophiques et scientifiques d'Arnold de Saxe. Chacune des œuvres dont l'auteur a fait des extraits est identifiée précisément, l'origine possible de l'information est caractérisée, et l'utilisation qu'en fait Arnold de Saxe est comparée à celle des philosophes contemporains. L'analyse est articulée sur les matières présentes dans la production de l'auteur : physique du ciel et de la terre ; animaux, plantes et médecine ; minéralogie ; morale. Dans ces différents domaines, la documentation est composée d'un tiers de traités sous le nom d'Aristote, dont les petites œuvres authentiques sur la nature et quelques textes importants comme les Météorologiques, ou le De animalibus, et l'Ethique, mais aussi de nombreux pseudépigraphes, comme le "De causis" néoplatonicien ou un De speculis (Catroptique d'Euclide). S'ajoutent au corpus aristotélicien des textes issus de la tradition médicale et hermétique arabe, dont certains sont peu répandus mais se couvrent de noms connus comme Pythagore, Esculape ou Hermès. Les versions de tous ces textes sont des traductions gréco-latines de Jacques de Venise et Burgundio de Pise, et arabo-latines de Dominicus Gundissalvi, Johannes Hispanus, Jean de Séville et de Limia, Gérard de Crémone et Michel Scot ; toutes ces traductions sont antérieures à celles de Robert Grosseteste et de Guillaume de Moerbeke. Les joyaux de l'Antiquité, sertis dans la monture du christianisme mais souvent transformés et légués par les Arabes, devaient une certaine lumière à la tradition hermétique. La troisième part du corpus documentaire d'Arnold de Saxe est constituée d'œuvres latines anciennes, dans le domaine de la cosmologie et de la morale : Macrobe et Martianus Capella y côtoient Sénèque et Cicéron. Le tout forme un ensemble qui hésite entre néo-platonisme et aristotélisme de la pensée, entre tradition et nouveauté de la documentation. Arnold de Saxe a collecté cette documentation au début de son activité, dans une sorte de compendium qui ne semble pas avoir survécu. L'auteur fait mention de cette première étape de son travail sous l'intitulé vague de "Sermo de libris philosophorum", dont les sources du "De floribus rerum naturalium" sont manifestement en grande partie issues. Arnold de Saxe leur sera fidèle par volonté et dépendant par nécessité : il s'applique à respecter la lettre, tout en abrégeant de manière sévère, et il utilise la documentation disponible, quelle que soit sa qualité. Le "De uirtutibus lapidum" (Livre des pierres) est la part scientifique la plus originale de l'encyclopédie naturelle "De floribus", dont elle constitue un traité particulier plusieurs fois remanié ; elle est aussi celle qui aura un succès immédiat considérable via la reprise intégrale de son contenu chez Albert le Grand, (De mineralibus, tr. 2 et 3), et Vincent de Beauvais (Speculum naturale, livre VIII). Au "De floribus rerum naturalium" en quatre livres sera ajouté un cinquième, "De moralibus", qui a également circulé comme œuvre indépendante. Le traité de médecine (Practica medicine) qui a suivi ces premiers travaux assimile les apports de l'école de Salerne et fait preuve d'une connaissance de l'évolution médicale contemporaine. En effet, Avicenne y tient une place importante en rival de Constantin l'Africain et un chapitre particulier est consacré à la maladie d'amour (De amore hereos). Le traité éthique des vertus et des vices, rédigé en fin de parcours sous la forme d'un dialogue scolastique aux accents d'humanisme chrétien, s'inspire surtout des auteurs antiques, déjà cités dans le "De moralibus", la cinquième partie du De floribus. L'homme et le démon s'y affrontent verbalement l'homme et le démon sous l'œil du juge suprême qu'est Dieu. Paradoxalement pour un tel sujet, on n'y trouve ni sentences bibliques ou patristiques, ni préceptes religieux issus de textes médiévaux, car Sénèque y domine sur l'Ethique d'Aristote. Le penchant stoïcien se confirme dans la courte "consolation". En plus de ces œuvres, il est possible qu'Arnold de Saxe soit l'auteur d'une introduction à l'astronomie/astrologie, trouvée dans un manuscrit copié à Bâle au début du XVe siècle. A partir du contenu de ses œuvres, destinées surtout à répondre à l'"utilitas" d'une communauté qu'il est difficile de caractériser, on ne peut faire d'Arnold de Saxe un penseur ; mais il s'agit d'un "philosophe" au sens médiéval du terme, dans la mesure où il produit une œuvre de compilation multiple et originale à partir de la seule littérature profane et est rompu aux techniques intellectuelles de son temps. Naturaliste, féru de médecine, c'était aussi un enseignant amoureux de la morale classique. Sa diffusion, relativement limitée, fut surtout germanique (manuscrits d'origine allemande et du tiers nord de la France). En revanche, sa réception, pour l'étude des pierres et la description du monde animal, fut immédiate dans la littérature didactique, chez le franciscain Barthélemy l'Anglais et chez les dominicains Vincent de Beauvais et Albert le Grand. Arnold a alimenté, dans le De mineralibus d'Albert le Grand, la conception hermétique de la "vertu universelle" et de la vertu spécifique qu'on trouve chez Avicenne pour expliquer l'action thérapeutique de certaines substances et voir dans tout élément naturel un principe actif ; il a aussi fourni à Albert toutes les citations d'Evax et Aaron et la plupart des extraits du lapidaire d'Aristote. Arnold de Saxe a par ailleurs été le relais de savoirs qui se seraient sans lui perdus, comme la biologie des plantes et des animaux de Iorach (qu'il faut identifier avec Iuba, roi de Mauritanie, qui écrivit en grec au Ier siècle) et le traité des pierres attribué à Aristote dont il retient entre autres les notions de pôle et d'aimant. Arnold de Saxe conserve des extraits de la minéralogie d'Aristote en deux versions distinctes, secundum Dioscoridem et secundum Gerardi, ce qui met sur la piste d'une traduction de Gérard de Crémone qui n'avait pas été mise au jour jusqu'ici. L'analyse de sa documentation et des influences qu'il subit ou qu'il propage montrent que les foyers de l'activité d'Arnold ont dû être Magdeburg, où il connut sans doute le franciscain Barthélemy l'Anglais qui s'y trouvait dès 1231 (le manuscrit d'Heidelberg attribue le traité des pierres à Arnoldus Saxo Magdeburgensis); Cologne, où il rencontra peut-être le dominicain Albert le Grand qui y fut lecteur, comme l'induisent les citations réciproques (Albert est cité dans le traité de médecine) ; Paris, où il croisa sans doute les médecins du temps et fit connaître son encyclopédie ; Erfurt peut-être, où ses œuvres sont conservées mieux qu'ailleurs. Faut-il voir dans Arnold de Saxe, appelé "Arnoldus Luca Magdeburgensis" dans le manuscrit d'Heidelberg, le maître de l'école cathédrale de Magdeburg, qui disparaît des documents diplomatiques vers 1243 ? Arnoldus Luca n'est-il pas aussi l'"Arnoldus Luscus" dominicain expérimenté en astronomie que cite avec admiration Berthold von Moosburg, un disciple de l'albertinisme à Cologne au XIVe siècle ? En dehors de l'histoire des textes, des documents qui l'attesteraient restent encore à découvrir. Comme les autres encyclopédistes de son époque, le Saxon a privilégié une information tirée d'auteurs qui nourrissaient déjà une volonté de synthèse totale, c'est-à-dire - pour ce qui le concerne - Aristote, Avicenne, Constantin l'Africain. Mais il a évité pour sa part les textes rabattus de Pline et d'Isidore de Séville pour se tourner vers ce qu'il appelle des "philosophes modernes", à savoir les médecins et naturalistes arabes, Aristote, mais aussi Sénèque, Boèce et Martianus Capella. Ensemble, ces "auctoritates" donnent au "De floribus rerum naturalium" l'allure néoplatonisante d'une synthèse naturaliste faite de métaphysique, de physique et d'éléments hermétiques qui accompagnèrent le célébrissime Aristote à travers les étapes de sa transmission grecque, syriaque, arabe et latine.
La particularité de ce projet de recherche réside dans son rapport aux domaines de l’intériorité et de l’individualité qui ne peuvent être définis par des normes spécifiques. Les domaines scientifiques, en particulier la médecine, reconnaissent leurs propres limites concernant la compréhension de la maladie mentale, partant de ses attaches morales. Selon les philosophes et les moralistes, le regard médical s’impose compte tenu du facteur biologique et de l’interdépendance entre le corps et l’esprit. L’histoire de la psychopathologie se caractérise par la multiplicité des points de vue, notamment celui médico-philosophique, ce qui s’avère indispensable à l’approche de la maladie mentale. « Folie », « maladie de l’âme », « maladie mentale », « aliénation mentale », la variété des termes qui qualifient cette maladie spécifique, et l’hésitation sur l’emploi d’un terme plutôt qu’un autre dénote l’incompréhension et la difficulté que les penseurs anciens et modernes rencontrent pour définir la maladie mentale et cerner son fonctionnement. Étudiée selon des paradigmes différents, la maladie psychique rend compte d’une véritable crise épistémologique qui se manifeste dans l’entremêlement des registres et dans la différence dans l’ordre du savoir, ce qui a donné lieu durant des siècles à des débats stériles et à des conflits inutiles. De ce fait, la curabilité du malade mental- souci majeur et préoccupation principale- est passée désormais au second plan, l’idée prédominante qui s’est enracinée progressivement étant la non curabilité de la maladie psychique. Maladie ou bien perversion morale, maladie ou précarité individuelle, le flou sur sa nature et sur sa genèse a donné lieu à un va-et-vient entre la reconnaissance de la morbidité d’une part, et le jugement moral sur le malade psychique de l’autre. Il en résulte une méconnaissance du traitement à adopter, et un choix d’exclusion de ces êtres condamnés au retrait. Un phénomène qui ne cesse de s’amplifier, tant il est vrai que la maladie mentale constitue un véritable problème, chargé de nombreux enjeux sociaux, politiques, civiques et humanitaires, et dont les répercussions dépassent le cadre strictement individuel et menacent la paix collective et le vivre-ensemble.
Au Moyen Âge, les réseaux de confraternité ont favorisé la circulation des hommes entre les communautés religieuses. La reconstitution du réseau de confraternité de l'abbaye de la Trinité de Fécamp – obtenue grâce à l'élaboration d'une méthode innovante ayant notamment permis de restituer à ce monastère un important fragment de nécrologe – confirme non seulement l'existence d'une circulation de moines, mais permet surtout de mettre en évidence la circulation des manuscrits et des textes entre les établissements les plus étroitement associés. L'étude des réseaux de confraternité constitue donc un champ de recherche particulièrement riche et prometteur pour la connaissance de l'histoire des bibliothèques anciennes ainsi que pour celle de la transmission et de la réception du patrimoine écrit. Elle mérite une attention spéciale lorsque le chercheur s'intéresse aux bibliothèques bénédictines constituées et enrichies entre le Xe et le XIIIe siècle, c'est-à-dire à l'apogée de l'activité des scriptoria monastiques et à une époque où les monastères étaient les principaux centres culturels et spirituels d'Occident. L'enquête est également l'occasion d'approfondir nos connaissances sur le réseau spirituel volpianien ainsi que sur la bibliothèque et le scriptorium de l'abbaye de la Trinité Fécamp sous les abbés Guillaume de Volpiano (1001-1028) et Jean de Fécamp (1028-1078). Elle a notamment permis d'attribuer à ce fonds 23 nouveaux manuscrits et d'en rejeter 9 autres. Une quinzaine de bibliothèques monastiques bourguignonnes, italiennes, lorraines, franciliennes, angevines et normandes, étroitement associées à Fécamp, font également l'objet d'une étude approfondie.
Ce travail étudie le sens et la place des activités physiques sur le littoral Haut-Normand. La démarche, socio-géographique, cherche à rendre compte des médiations territoriales à l'œuvre en multipliant les prises sur l'objet : les transformations concernent les usages comme les représentations, aussi bien que la gestion des choix d'aménagements. Il s'agit de comprendre les déterminations réciproques des cultures, des rapports sociaux et des rapports spatiaux. Le corpus rassemble 39 entretiens, 949 questionnaires, 187 grilles d'observation et des documents produits par d'autres [documents d'urbanisme, cahiers d'acteurs, rapports administratifs]. Au-delà d'une radiographie des activités, la thèse dévoile des profils de pratiquants et identifie des paysages vécus. Quatre études de cas reconstruisent les jeux d'échelle, mais aussi les légitimités contradictoires à l'œuvre (public/privé, risque/sécurité, développement durable etc.). Au-delà des discours, ce trait de côte fait-il l'objet d'une « gestion intégrée » ? À quels partages et à quels clivages les usages récréatifs de ce littoral renvoient-ils ?
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